Chronique

Wadada Leo Smith & Orange Wave Electric

Fire Illuminations

Wadada Leo Smith (tp), Nels Cline, Lamar Smith, Brandon Ross (g), Bill Laswell, Melvin Gibbs (b), HardEdge (elec, fx), Pheeroan AkLaff (dms).

Label / Distribution : Kabell Records

À 80 ans désormais passés, le trompettiste Wadada Leo Smith (WLS) n’a aucunement envie de terminer la fête. Après une année de célébrations toutes plus élégantes les unes que les autres, on pouvait penser que le musicien prendrait quelque temps de repos. Il n’en fut rien : en témoigne Fire Illuminations, enregistré l’an passé avec la volonté de réunir des musiciens électriques parmi ce qui se fait de mieux dans la sphère jazz étasunienne, de Nels Cline à Bill Laswell pour ne citer que les plus anciens. Ils forment un nonet sur « Ntozake », premier morceau enflammé qui rend hommage à la poétesse africaine américaine Ntozake Shange, le fidèle batteur Pheeroan AkLaff se joignant à WLS pour incarner la puissance organique de l’orchestre. Dès les premières secondes, alors que les guitares feulent, l’électronique suffocante de Hardedge, qui avait déjà collaboré avec le trompettiste sur The Nile, contribue à densifier un propos très construit.

On pense nécessairement à des projets qu’avait menés WLS il y a quelques décennies, comme son Yo Miles enregistré avec Henry Kaiser en 1998. Plus sûrement, on peut rapprocher Fire Illuminations de Occupy The World, qu’il avait enregistré en Finlande avec notamment Kalle Kalima à la guitare. « Fire Illumination Inside Light Particles », et le jeu clair et franc de la trompette dominant le tortueux maelström électrique où scintille la guitare de Lamar Smith, est une miniature complexe à la richesse infinie, et davantage que l’électricité, c’est la dynamique de l’orchestre qui intéresse ici WLS, une direction que l’on retrouvera également dans « Tony Williams », où la tonalité sépulcrale souligne cette volonté toujours tenace de rendre hommage à ses pairs.

Il ne semble pas y avoir de terrains dans lesquels WLS ne se sent pas à l’aise. Dans ce « Tony Williams » où le troisième guitariste, Brandon Ross, vient donner davantage de corps à la colère insidieuse du morceau, la trompette s’efface, mais l’esprit du compositeur ne cesse de nourrir une musique ouverte et pleine d’humanité. Les combats de WLS sont immuables, ils s’incarnent toujours dans la mise en avant des figures de l’émancipation. À ce titre, son double portrait de Mohamed Ali (« Muhammad Ali’s Spiritual Horizon » et « Muhammad Ali And George Forman’s Rumble In Zaire Africa ») constitue l’un des instants les plus émouvants d’un album intense et inattendu. Les 80 ans de Wadada Leo Smith avaient été un feu d’artifice. La création du Orange Wave Electric tient du bouquet final.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 juin 2023
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