Chronique

Yuval Amihai Ensemble

Yuval Amihai (g), Damien Fleau (ss), Étienne Bouyer (ts, ss), Oliver Degabriele (b), Gautier Garrigue (dms).

Le mot qui vient d’emblée à l’esprit à l’écoute du premier disque du Yuval Amihai Ensemble (Socadisc Absilone), est « lyrisme ». On ne peut en effet qu’être saisi par la puissance communicative qui émane de ces neuf mélodies originales aux arrangements irradiant une chaleur dont l’origine se situe du côté des chants populaires israéliens. Il y a quelque chose d’irrésistible dans leur exposition solaire mêlant virtuosité et accessibilité. C’est une histoire qui nous est contée, et chacune de ses pages nous ouvre en grand les portes d’une déclaration d’un amour qui serait universel.

Installé à Paris depuis quelques années, le guitariste Yuval Amihai s’est vite fait remarquer ; il y a reçu de prestigieuses récompenses : Grand prix de groupe et Premier prix de composition au concours 2009 de Jazz à la Défense - belle entrée en matière pour une formation dont la cohésion saute aux oreilles et force l’adhésion. Depuis, Amihai a pu faire valoir ses qualités sur scène, en première partie de grands noms tels que Bojan Z Tetraband, Rabih Abou-Khalil ou le toujours charismatique Avishai Cohen. (Sa prestation aux Nancy Jazz Pulsations 2010, prélude à l’embrasement de la Salle Poirel par le célèbre contrebassiste, fut éminemment festive.)

Cinq musiciens unis par une même urgence mélodique, artisans inspirés d’une collection de thèmes qui ressemblent à s’y méprendre à autant de standards… Au cœur de cette famille soudée on retrouve la moitié d’une autre formation à surveiller de près : Festen, dont le premier disque (2010) est une des pépites de la récente histoire du jazz en France, celle qui n’hésite pas à mélanger propos libertaire et énergie héritée d’amours plus rock (c’est d’ailleurs par leur collaboration avec Amihai que Fleau et Degabriele se sont rencontrés). Pas étonnant que la musique de Yuval Amihai, dans toute la profondeur de son inspiration, soit aussi bien mise en évidence quand on connaît la solidité rythmique et mélodique d’Oliver Degabriele à la contrebasse et la brillance de Damien Fleau au saxophone soprano. Qu’on se le dise, ce dernier est actuellement l’un des plus beaux chanteurs de cet instrument : chacune de ses interventions est un bonheur intense à savourer avec gourmandise. Étienne Bouyer ne nous en voudra pas de souligner la créativité de son comparse d’anches, lui qui sait aussi faire entendre sa voix au ténor (« Aviv ») ou, si nécessaire, engager un fructueux dialogue de sopranos (« Cher M. Wiesel »). Gautier Garrigue déploie quant à lui un drumming tout en souplesse gracile, porté par la joie d’un vivre ensemble auquel on a envie d’être associé.

Dans un environnement aussi favorable, constamment au service d’une musique imprégnée d’une ferveur presque religieuse - vue comme réponse enfiévrée à l’appel de l’histoire d’un peuple et de ses générations passées - le jeu de Yuval Amihai, acoustique comme électrique, s’épanouit dans une union de couleurs fluides et ensoleillées. Le groupe sonne terriblement bien, dans la promesse toujours renouvelée d’une possible élévation.

Difficile de mettre en avant une composition plus qu’une autre : le disque forme un tout et on éprouve le besoin d’y revenir dès l’évanouissement de ses dernières mesures. Un signe qui ne trompe pas. Le lyrisme mémoriel et le chant communicatif de ses cinq voix étroitement mêlées font de Yuval Amihai Ensemble un disque de chœur. Une belle union qui donne envie d’en faire aussi un disque de cœur.