Chronique

Belmondo & Milton Nascimento

Milton Nascimento : chant, guitare, sanfoninha ; Lionel Belmondo : saxophone soprano, flûte alto ; Stéphane Belmondo : bugle ; Eric Legnini : piano ; Thomas Bramerie : contrebasse ; André Ceccarelli : batterie… Avec les cordes de l’Orchestre National d’Ile de France dirigées par Christophe Mangou. Arrangements : Lionel Belmondo & Christophe Dal Sasso.

C’était en 1974… Wayne Shorter publiait Native Dancer, magnifique album pour lequel, entouré de quelques amis de haut vol tels que Herbie Hancock ou Airto Moreira, il convoquait le musicien brésilien Milton Nascimento pour une collaboration fructueuse où les influences du jazz, de la bossa nova, voire du rock se mêlaient harmonieusement en une sorte de world music avant l’heure, où le miracle des poissons (« milagro dos peixes » en portugais) était déjà à l’ordre du jour.

En 2008, ces poissons suscitent à nouveau une exploration réjouissante. Nul doute que les frères Belmondo se sont goulûment nourris de cette galette, parmi quelques autres ! Et qu’ils ont réussi, une fois encore, le pari risqué d’un palimpseste musical dont ils deviennent, année après année, les experts reconnus : après avoir réinventé des univers aussi variés que ceux des compositeurs post-impressionnistes du début du XXè Lili Boulanger, Gabriel Fauré ou Maurice Duruflé pour Hymne au soleil, celui de Stevie Wonder pour un festif Wonderland ou la musique plus introspective de Yusef Lateef avec Influence, voici venu le temps de Milton Nascimento, grande voix de ce que l’on appelle la musica popular brasileira, musicien chanteur pour lequel Stéphane Belmondo éprouve une fascination de longue date et qui nous a habitués à ne jamais se laisser enfermer dans une seule catégorie musicale et à multiplier les collaborations internationales. Pour mémoire : Paul Simon, Cat Stevens, George Duke, Quincy Jones, Pat Metheny, Ron Carter, Herbie Hancock, Jack DeJohnette, Nana Vasconcelos, Jon Anderson, James Taylor, Peter Gabriel… et même Duran Duran.

Ce qui frappe le plus dans ce Belmondo & Milton Nascimento, paru sur le label Bflat, c’est probablement le sentiment de fluidité et de limpidité qui s’en dégage : les arrangements de cordes signés Lionel Belmondo et Christophe Dal Sasso, jamais envahissants, toujours élégants, inventent de chaudes couleurs – bois et cordes – et soulignent avec sobriété les textures ensoleillées du chant de Milton Nascimento ; Eric Legnini (déjà présent sur Wonderland) enlumine avec énergie et discrétion, et Stéphane Belmondo s’en donne à cœur joie (on peut citer, par exemple, son chorus sur « Cançao Do Sal ») au bugle. Avec un tel tapis de velours, les compositions de Nascimento s’enchaînent dans un vrai climat de lumière : « Ponta De Areia », « Cançao Do Sal », « Milagro Dos Peixes » ou « Travessia » pour les plus célèbres. A quoi on ajoutera une oraison signée Christophe Dal Sasso, inspirée de la musique de César Franck ou une « Berceuse » de Maurice Ravel.

Il est bien délicat – mais est-ce vraiment nécessaire après tout ? – d’apposer une étiquette à cette nouvelle aventure : les musiciens à l’œuvre ici rappellent qu’il s’agit bien de jazz, mais les influences mêlées avec bonheur indiquent que le projet va au-delà : mine de rien, les frères Belmondo réussissent à inventer une nouvelle fusion sans que jamais leur travail de brassage apparaisse artificiel. On est impatient de savoir si un autre de leurs projets en cours, consacré à la musique du Grateful Dead, sera pour eux l’occasion de relever avec autant de brio un cinquième défi de relecture.

A suivre donc…

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