Chronique

cE2

Polars

Gaël Le Billan (p), Mathieu Loigerot (b), Jean-Marc Robin (dms).

Ce disque est comme le journal de bord d’un temps qui appartient au passé : il faut imaginer l’ambiance d’une salle de cinéma à l’ancienne, avec ses ouvreuses et leurs paniers de friandises à l’entracte. En première partie, un court-métrage qu’on a regardé d’un œil distrait parce qu’on n’est pas venu pour ça. Quelques bandes-annonces pour patienter, deux ou trois réclames… On attend le film, pas toujours en couleur, un policier avec ses personnages dont on sait d’avance que l’histoire peut les mener à un destin tragique. Des histoires au parfum d’années 60, juste avant la marchandisation industrielle d’un art qui n’en est plus toujours un, avec ses grandes gueules et ses codes d’honneur qui n’ont peut-être existé que dans l’imagination de leurs inventeurs.

Bien des images défilent à l’écoute de cE2 et de ses Polars [1] réunis par un trio lorrain en une bande-son en forme d’hommage. Gaël Le Billan, Mathieu Loigerot et Jean-Marc Robin aiment le policier, genre né du roman noir - ce cinéma dont les porte-parole s’appelaient Jean-Pierre Melville, Henri Verneuil ou Claude Sautet. Et une collection de films à la fois éternels et surannés portés par des musiques signées Michel Colombier, Ennio Morricone, Philippe Sarde, Eric Demarsan, Paul Misraki ou Serge Gainsbourg. Avec sa formule piano-contrebasse-batterie, ce trio abat les cartes d’un jazz aux teintes classiques, tout droit issu d’une époque qu’il n’a pu connaître, sinon dans sa plus tendre enfance. Au service de sa passion musico-cinématographique, une interprétation sobre, toute en élégance feutrée, qui respire la passion conjuguée du swing et des intrigues contées avec gourmandise. On ferme les yeux et avec un peu d’imagination, on fait un rapide saut dans le temps pour se retrouver plus ou moins bien assis dans un club enfumé et - forcément - exigu. On devine même les musiciens, la cigarette au bec et l’œil mi-clos dans les volutes bleutées… Une vision du jazz tranquille et complice qui peut faire claquer des doigts au milieu d’un public dont certaines têtes sont connues, d’autres non. C’était hier.

C’est un peu tout cela, Polars : une déclaration d’amour sincère à un temps enfui, des héros qui n’étaient pas pour autant des enfants de chœur ; un hymne tranquille à une musique-patrimoine qu’on a souvent fredonnée, sans forcément connaître le compositeur. La première écoute donne envie d’y revenir… La nostalgie est parfois bonne conseillère.