Chronique

Alexander Hawkins, Evan Parker

Leaps in Leicester

Alexander Hawkins (p), Evan Parker (ts)

Label / Distribution : Clean Feed

Pianiste anglais né au tournant des années 80, Alexander Hawkins peut d’ores et déjà se prévaloir d’un parcours ambitieux. Sideman au côté de Mulatu Astatke ou de Louis Moholo-Moholo (avec qui il joue également en duo), il dirige ou co-dirige depuis quelque temps déjà des formations qui comptent en leur rang bon nombre des têtes chercheuses actuelles. Ainsi The Convergence Quartet au côté de Taylor Ho Bynum, Harris Einsenstadt et Dominic Lash ou le trio Decoy avec John Edward et Steve Noble comptent chacune quatre disques à leur actif tandis que deux ensembles plus étoffés, l’Alexander Hawkins Nonet (dans lequel on retrouve également Peter Evans) ou l’Alexander Hawkins Ensemble (trois disques), lui permettent de travailler son sens de la composition et de l’arrangement dans la perspective des problématiques contemporaines où se synthétisent les avancées de l’improvisation et celles de l’écriture la plus précise.

Beaucoup plus ancré dans une conception libre, ce duo paru sur Clean Feed est l’occasion de confronter Hawkins à l’une des figures emblématiques de la musique improvisée. De nationalité anglaise également, Evan Parker, sur les quatre longues pistes que compte ce Leaps In Leicester, est immédiatement reconnaissable par sa sonorité. Les lignes graves en roulis permanents qui font la caractéristique de son jeu sont doublées en parallèle par le pianiste qui suit la sinuosité de son discours par des intervalles dissonants entretenant le mystère. Placés tout deux au cœur de vagues amples qui gonflent puis s’effacent, ils s’inscrivent, dès le morceau d’ouverture, par leur souffle large et puissant, dans des cycles au déroulé lent qui, s’ils ne sont absolument pas dénués d’intérêt, peinent pourtant à trouver une ligne d’horizon à atteindre.

Car la subtilité de cet enregistrement est qu’il se déploie sur la longueur. Les pistes qui suivent sont, tour à tour, l’occasion d’approfondir l’interaction entre les deux musiciens (sur “Gambade” notamment) par un jeu sur les silences et les rebonds. Les propositions sont saisies au vol puis transformées et définissent plus précisément les espaces sur lesquels ils choisissent d’intervenir. Au bout du compte, gagnant en assurance et s’appuyant sur l’autre (sur “Capriole”), ils font monter l’intensité d’un cran ; sur l’épique “The Shimmy” (presque 35 minutes), Hawkins ouvre grandement le champ des possibles par des martèlements et des traits dans les aigus qui changent la donne ; il oblige ainsi Parker à appuyer plus intensément ses intentions de jeu. Au grand plaisir de l’auditeur.