Chronique

Angles 9

Disappeared Behind The Sun

Label / Distribution : Clean Feed

Disappeared Behind The Sea débute dans un cri. Un hurlement de colère poussé par le saxophoniste Martin Küchen, le leader suédois de Angles 9 pour entamer « Equality And Death » avant d’être rejoint par la batterie millimétrée d’Andreas Werlin et son binaire bravache. C’est la machine qui se met en route ; un outil bien huilé mais pas nécessairement coutumier des lignes droites et des convenances. Angles 9, nonette multi-facettes européen qui nous avait présenté Injuries il y a quelques années, n’est pas inclassable. Il est libre. Dans ses influences, on peut autant trouver les outrances d’un Peter Brötzmann que les courroux élégants du Liberation Music Orchestra.

« Disappeared Behin The Sun », dédié aux prisonniers politiques, est un équilibre constant entre les deux. Le jeu à fleuret moucheté entre le piano d’Alexandre Zethson et la trompette de Magnus Bro, accompagné par son collègue cornettiste Goran Kafjes, est une introduction subtile à un certain lyrisme. Lorsque l’orchestre est à l’unisson, il y a comme une solennité que Küchen zèbre de fureurs spontanées. Dans ce long morceau, elles dispersent un instant la grande rigueur rythmique ; mais celle-ci reprend toujours le dessus. Reconnaissons qu’il y a dans les compositions de Küchen un rapport très intime à la pulsation. Le groupe est soudé et collectif. Les prises de parole individuelles sont rares et précèdent une communion de rythmes. La puissance de la contrebasse de Johan Berthling couplée au saxophone baryton d’Eirik Hegdal en est sans doute la cause, en tout cas le témoignage. C’est une entité lourde d’apparence mais agile en chaque circonstance qui entretient un parfait équilibre avec les feux follets de la formation, le vibraphoniste Mattias Ståhl et l’incroyable tromboniste Mats Äleklint qui jouait à l’instar de la plupart de ses compagnons dans le Fire ! Orchestra.

Le propos n’est parfois pas très éloigné d’une fanfare funk : en témoigne « Pacemaker » qui exploite cette sensation de big band campé sur ses jambes, chaloupé et inexorable. Äleklint s’amuse avec une réjouissante insolence, au point qu’on ne sait plus où donner de la tête et qu’il ne reste plus qu’à sautiller. Mais ceci manquerait d’originalité si la machine ne s’emballait pas un peu, si la batterie ne se décidait à rompre ce groove galvanisé dans une brusque explosion de cuivres en fusion. Angles 9 revient sur label Clean Feed avec la résolution de prolonger le jeu âpre, volontaire et turbulent qui nous avait tant séduit. Le contrat est rempli.

par Franpi Barriaux // Publié le 5 juin 2017
P.-S. :

Martin Küchen (as, ts), Alexander Zethson (p), Matthias Ståhl (vib), Magnus Broo (tp), Goran Kafjes (flh), Mats Äleklint (tb), Eirik Hegdal (bs), Johan Berthling (b), Andreas Werlin (dms)