Chronique

Chet Doxas

You Can’t Take It With You

Chet Doxas (s), Ethan Iverson (p), Thomas Morgan (b)

Saxophoniste (également clarinettiste) américain, d’origine canadienne, Chet Doxas propose un trio avec piano et contrebasse. Entendu au côté de Dave Douglas dans le groupe Riverside qu’ils co-dirigent, le saxophoniste est à ranger du côté des musiciens qui peuvent s’asseoir sur une solide culture jazzistique comme sur une imparable technique instrumentale. Au détriment parfois d’une certaine originalité et au risque d’une froideur trop appliquée.

Il n’en est rien ici pourtant, et si la touche propre à Doxas n’apparaît pas à la première écoute, une attention particulière en montrera la singularité. Les compositions, particulièrement, signées de sa main, s’égrènent au fil du disque avec délicatesse et légèreté. Toujours enjôleuses avec leurs petites mélodie qui ne sont pas sans évoquer les compositions de Monk, elles en conservent ce jeu avec les silences et une certaine façon de manier l’humour. Quelques chausses-trappes les rendent accrocheuses, la mélancolie lascive qui les traverse fait le reste pour emporter l’adhésion.

D’autant mieux que le trio fonctionne avec justesse. La contrebasse de Thomas Morgan reste bien installée dans le fond et propose de petits contrechamps gracieux et chantants quand elle ne marche pas en walking bass. À l’autre angle de ce triangle, le piano d’Ethan Iverson est aussi lumineux que possible. Gorgés d’harmonies ensoleillées, il déroule un discours ouvert qui pose les bases d’une palette de couleurs variées dans lesquelles le saxophoniste puise son inspiration.

Et, en la matière, Chet Doxas expose un déroulé toujours déroutant. Sans se départir d’une démarche alanguie, il s’aventure dans des acrobaties audacieuses. Dans le sillon d’un swing chaleureux, le voilà qui étire des phrases à des moments inattendus, ou qui gravit des échelles de notes avec une obstination qui touche. Comme le tout est fait avec une fausse simplicité, on n’y prend garde et on se retrouve à prendre plaisir à un disque finalement pas si simple mais qui, dans le même temps, reste immédiat.