Chronique

Christopher Hoffman

Vision Is The Identity

Christopher Hoffman (cello, elec, fx, cl), Frank LoCrasto (cla), Bill Campbell (dms) + Henry Threadgill (as), Ryan Scott (g), Anna Webber (fl), Alfredo Colón (EWI).

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Figure désormais totalement installée sur la scène étasunienne depuis plusieurs années, le violoncelliste Christopher Hoffman n’est pas du genre à se laisser enfermer. Très présent sur les scènes alternatives, notamment rock, aux côtés de Jeremiah Cymerman ou Sean Beam, c’est avec la scène jazz que ses prestigieuses collaborations se sont fait jour, tant avec Henry Threadgill qu’avec Anna Webber, qu’on retrouve comme invités sur ce nouvel album. Celui-ci paraît dans un premier temps en rupture avec Asp Nimbus, précédent disque où le vibraphone de Bryan Carrott donnait une couleur plus organique. Disque court, Vision Is The Identity renoue avec un paradigme électrique et électronique tel qu’on l’entendait dans un album plus ancien, Multifariam, paru en 2018.

Enregistré en trio avec Frank LoCrasto aux claviers parfois vintage et Bill Campbell à la batterie, c’est « Cloudbuster », le premier morceau, qui donne le ton de l’album : sur des boucles rythmiques assez dures et un univers très synthétique, le violoncelle électrique d’Hoffman est conquérant, Campbell induisant des polyrythmies qui chevauchent les machines et créent de l’entropie. Mais ce sont les invités qui donnent à Vision Is The Identity toute sa raison d’être. La visite de Threadgill, avec qui Hoffman joue dans Zooid, est sans doute l’instant le plus étonnant : sur une rythmique électronique et un synthétiseur psychotrope, le saxophoniste vient chercher le groove avec une pointe de spleen avant de s’emparer de l’orchestre dans un chorus de plus en plus puissant dans les râles de la guitare d’un autre invité, Ryan Scott, présent sur la scène rock new-yorkaise. C’est finalement Hoffman qui conclut ce morceau dans l’électricité de son violoncelle, omniprésente et contondante.

L’autre sommet de cet album est le court morceau hérissé de groove que Hoffman propose à Anna Webber, avec qui il travaille depuis des années. « Better & Better » a tous les atouts pour séduire les amoureux des musiques électroniques qui font bouger les pieds : une rythmique puissante complexifiée par le batteur et une Webber saignante dans ses prises de parole, ce qui donne un effet envoûtant, a fortiori lorsque le violoncelle vient poser une nappe grasseyante sur la mécanique précise de la flûte. Voilà un disque étrange et syncrétique proposé par un violoncelliste qui ne refuse aucun chemin.