Portrait

Dix/Dix : Christiane Bopp

Article du dossier Yes, we can hear you !

Christiane Bopp, un dixième de tentet


Avec Can You Hear Me ?, Joëlle Léandre a réuni autour de son travail neuf musiciens de générations différentes, faisant une large place à la jeunesse. Au-delà de l’œuvre, que nous chroniquons par ailleurs, nous sommes allés à la rencontre de ces musiciens qui représentent une forme de cartographie de la musique improvisée hexagonale et leur avons posé trois questions sur la contrebassiste, à l’occasion de ses quarante ans de carrière.
Que représente, pour vous, Joëlle Léandre ?
Comment travaille-t-on une partition de Joëlle Léandre ?
Quel est votre disque préféré de Joëlle Léandre et pourquoi ?

Voici la réponse de Christiane Bopp, tromboniste

Christiane Bopp est tromboniste, mais elle pratique aussi son ancêtre, la sacqueboute. Elle est donc à cheval entre les musiques anciennes et contemporaines, une fenêtre idéale pour les musiques improvisées. On l’a entendue dans le Tower de Marc Ducret et l’ensemble Dédales de Dominique Pifarély.

Christiane Bopp © Jeff Humbert

1/ Joëlle Léandre est avant tout une grande artiste que j’admire et dont le travail, via ses disques et ses concerts, a nourri ce que je peux faire moi-même musicalement, ainsi que ma vie intérieure simplement. Avec sa force créatrice, sa virtuosité, son énergie inlassable à porter sa musique, elle est devant, elle ouvre la marche munie d’un coupe-coupe, dans les terrains non défrichés et qui peuvent être difficiles. Elle représente un phare, toujours là contre vents et marées et s’il y a des moments propices à se décourager, on peut regarder son exemple de ténacité, de manifeste à affirmer sa propre musique. Joëlle est pour moi nourricière, que je sois en situation d’assister à l’un de ses concerts, d’écouter ses disques ou d’avoir le bonheur de jouer sa musique et de jouer avec elle dans le tentet « Can you here me ? ». Jouer dans ce projet avec Joëlle, après mon parcours parmi les œuvres d’elle que j’ai écoutées, fait que la rencontre musicale et aussi personnelle, dans ce contexte, est un aboutissement et non un début. Cela donne à la relation que nous pouvons avoir, une valeur très singulière. Joëlle est nourricière de force de vie, qui bouillonne, qui déborde, contagieusement. Elle donne de l’énergie, elle est entière. Elle m’a dit des mots précieux d’encouragement et de soutien pour ma trajectoire, elle m’honore de sa confiance.
Merci Joëlle !

2/ La pièce « Can you here me ? » mêle écriture et improvisation. L’enjeu est de réussir les parties écrites avec la rigueur du texte, mais aussi la justesse d’interprétation, celle-ci étant juste en liaison avec l’improvisation qui la précède, et en pensant qu’elle conditionnera l’élan de celle qui la suivra. Une dimension importante consiste en ce va-et-vient entre improvisation et écriture, qui ne sollicite pas le cerveau de la même façon, je pense, en même temps qu’il s’agit de tendre à unifier ces processus, pour la perception de l’unité de l’oeuvre. Il faut saisir la forme toute entière du morceau qui est à la fois, je trouve, un manifeste, un cri et une pièce d’une grande intériorité.

3/ J’ai deux disques préférés, impossible de trancher !
Le premier : Live at Otis, Hiroshima (1998).
Ce disque m’embarque tout particulièrement ; essayer de dire pourquoi c’est un peu tenter de disséquer un ressenti, ce n’est pas facile, mais je crois que je le trouve « puissant », « intense », « onirique ».
Le second disque est Urban bass.
Je ressens des pièces très intérieures, comme les premières, en contraste avec d’autres telles que « Taxi », faite de dires et d’agirs tous inspirés du réel, et ce va-et-vient entre des abysses de soi et le dehors, c’est la vie même !

par // Publié le 17 avril 2016