Chronique

Enrico Pieranunzi Trio

Permutation

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Un drôle de titre qui renvoie à des séries et combinaisons mathématiques, alors qu’il s’agit de présenter une nouvelle formation en trio, composée d’Enrico Pierannunzi au piano, Scott Colley à la contrebasse et Antonio Sanchez à la batterie. Dans les notes de pochette (en italien et en anglais), le pianiste s’en explique : « permutation » est à prendre au sens de « changement », mutation, glissement, transposition, réarrangement.

Connaissant déjà ses complices (il a joué avec Colley dans le quartet de Jim Hall en 2004 et enregistré son Live at Birdland avec le Latin Jazz quintet et Sanchez en 2008), il lui a paru naturel de penser à eux pour prendre un nouveau départ en trio. On sait que le pianiste maîtrise parfaitement tous les aspects du piano classique (il s’est attaqué avec brio aux sonates de Scarlatti), et qu’il est un des grands du piano jazz, en digne émule de Bill Evans auquel il a consacré un des livres les plus sobrement émouvants. Mais force est de reconnaître que, fort de sa technique éblouissante, et s’il n’en a pas encore fini avec lui-même et les fantômes de son passé, il semble galvanisé par l’échange avec ses deux nouveaux partenaires : le départ du disque est flamboyant, virtuose, et témoigne d’une profonde compréhension de cette musique que l’on nomme jazz.

À ce stade de sa prolifique carrière, après l’autoportrait amorcé avec Wandering (toujours chez Camjazz, 2009), il est manifestement ragaillardi, revivifié par l’apport de sang neuf, et en profite pour revenir à une musique personnelle qui, aux abstractions et rêveries introspectives, préfère des éclats plus tranchants. À une série compositions lentes, romantiques, dans une veine plus « pierannunzienne » (jeu aéré, harmoniquement lumineux), succède « The Point of Issue » qui contraste joliment avec son prédécesseur, « Within the House of The Night » et ses harmonies imprégnées d’« Estate ». La petite musique propre à Pieranunzi est toujours là, la sonorité indéniablement belle, la technique imparable et l’inspiration fluide.

par Sophie Chambon // Publié le 23 avril 2012
P.-S. :

Notons aussi ce qui n’est qu’un détail : le papier glacé impeccable du livret où on ne laisse aucune empreinte de doigts quand on le feuillette. La classe…