Chronique

Pannonica de Koenigswarter

L’œil de Nica

Label / Distribution : Editions Buchet·Chastel

Les éditions Buchet·Chastel frappent fort, une nouvelle fois. Après avoir publié, avec le succès que l’on sait, Les Musiciens de jazz et leurs trois vœux, ce recueil magnifique qui réunit des photos prises par Pannonica et les trois vœux de centaines de musiciens de jazz, ces éditeurs publient à présent un nouveau volume qui pourrait ressembler à une suite.
En effet, L’œil de Nica rassemble en plus de 300 pages, une collection historique de clichés polaroids pris par la baronne du jazz (ou pris avec son appareil quand elle est sur la photo).
Pendant des années, elle a photographié tout ce qu’elle voyait autour d’elle. Et autour d’elle gravitaient les jazzmen les plus actifs, leurs amis et leurs familles.
Autant, pour le premier volume, le choix s’est porté sur les portraits des personnes interrogées sur leurs trois vœux, autant dans celui-ci, on peut découvrir une réalité tout autre, bien plus ancrée dans la vraie vie et donc bien plus intéressante.

Des musiciens, certes, il y a en plein. Dans les clubs où elle se rendait, dans les rues des villes américaines des années soixante… On en voit qui jouent, qui parlent, qui rient. Chez elle, à Cathouse - la maison refuge -, ils sont décontractés, posés, et beaucoup dorment (ou cuvent, ou planent).
C’est rare de voir des musiciens dormir, c’est impressionnant de voir le visage endormi d’une personne que l’on connaît dans l’exercice parfois hanté de la musique !

Mais aussi, on trouve des ami·e·s, la famille, les femmes et les enfants.

Soudainement, ils sont là. Et c’est ce qui rend cet ouvrage aussi touchant. On comprend l’amour que portait Pannonica aux musiciens, un amour immense qui englobait leur cellule familiale. Tout le monde venait à Cathouse.

Enfin, les 80 dernières pages sont dédiés à un seul nom : Monk.
Le musicien, dont le lien avec Pannonica était indéfectible, est présenté là dans des situations rares. Joueur, rieur, avec sa femme et ses enfants, endormi, au piano, assis, debout, dansant… Monk est partout.
Parfois il semble flotter sur la photo, comme rajouté par un grossier montage. Et pourtant, c’est bien lui, avec ce corps figé, dans un silence entre deux notes.

La qualité de l’ouvrage, le papier choisi et l’impression rendent justice à ces photos anciennes, dont certaines sont abîmées. Mais c’est ce qui fait tout leur intérêt et leur charme.