Chronique

Sophie Alour

Le Temps Virtuose

Guillaume Latil (cello), Anne Paceo (dm, perc, voc), Pierre Perchaud (g, voc), Sophie Alour (ts, fl, comp).

Label / Distribution : Music From Source

La photographie réalisée par Julien Alour qui orne l’intérieur de la pochette de l’album fait pleinement écho à la lumière émanant de la musique de Sophie Alour. Son dernier disque surprend : ici, rien ne donne lieu à des joutes instrumentales et si l’on devait donner une juste définition, Le Temps Virtuose serait l’équivalent d’une rêverie de Gabriel Fauré transposée au XXIè siècle.

La notion du temps est primordiale au sein de ce quartet : les souffles du saxophone ténor et de la flûte, les accords déliés de la guitare, la sobriété du violoncelle et les rythmes élaborés de la percussionniste, tout apparaît aérien et authentique. Sa grande subtilité est de ne jamais se laisser aller à une quelconque candeur ou à des redites. Sophie Alour écrit et retranscrit son schéma émotionnel, tantôt rêveuse, tantôt dansante, toujours surprenante. Elle unit les personnalités d’Anne Pacéo, de Pierre Perchaud et de Guillaume Latil autour de son projet habité par le raffinement. Rien ne lui échappe, chacune des onze pièces musicales enregistrées vise l’épure.

« Des lendemains qui chantent » ouvre le disque et fait d’emblée référence à ce qu’est l’universalité. Sophie Alour nous transporte dans un climat chaleureux. La force de cet enregistrement est de proposer des atmosphères discrètement variées parallèlement à un cheminement conceptuel, « Roulotte », « Tout nu », « Vent debout » et sa brise aérienne à la flûte apparaissent comme essentiels ; ces mélodies ne nous quittent plus. Remarquable, le violoncelle de Guillaume Latil creuse une inexorable douceur sublimée dans « Le Temps cannibale ». Les ponctuations d’Anne Pacéo s’étirent à loisir et Pierre Perchaud souligne les différents climats poétiques en y installant une coulée mélodique sur les cordes de sa guitare. Le quartet cristallise la contemplation d’espaces infinis, l’Afrique y apparaît soudainement au détour d’un phrasé. « Musique pour Messieurs », saccadé, électrique et « Musique pour Dames », introspectif et acoustique, ne sont pas seulement axés sur leurs différentes sensibilités exacerbées mais font partie intégrante de l’implication nécessaire à la construction de la partition.

Tout à la fois lyrique et technique, Sophie Alour dévoile une synthèse novatrice dans le jazz contemporain par sa sincérité. Le Temps Virtuose enchante et sublime pleinement l’unicité musicale.