Chronique

Eric Plandé Group

Between The Lines

Eric Plandé ts), Joachim Kühn (p, as), Jacques Mahieux (d), François Verly (p), Moïna Erichson (voc on 5, 10)

Label / Distribution : Cristal Records

Bien qu’il évolue sur les places de Paris et Francfort, et qu’il ait débarqué à Paris (en provenance de Pau) à la fin des années 80, période à laquelle il se produit aussi en Allemagne et en Hollande. Eric Plandé est un saxophoniste ténor méconnu. C’est pourtant un musicien mûr et affirmé qui propose un jazz rugueux et très écrit pour ce septième album.

Between the Lines est un projet réfléchi artistiquement et musicalement : d’une part il rend hommage à des auteurs de style et d’inspiration différents (Baudelaire, Apollinaire, Zweig) ayant toutefois en commun d’être des artistes torturés et engagés, et d’autre part parce que cet album a été pensé avec Joachim Kühn et que le groupe ainsi constitué est un quartet sans contrebasse, ce qui rompt les liens rythmiques classiques.

Encore plus tranché est le choix des deux autres sidemen que sont le batteur Jacques Mahieux, scintillant et étonnant de modernité, et François Verly aux percussions. Curieusement, ces deux forces percussives sont en osmose avec le duo Plandé/Kühn — mais il faut bien un solide tapis sonore pour soutenir le lyrisme (pourtant mesuré, maîtrisé) du pianiste et du leader.

Jamais les percussionnistes n’empiètent sur leurs terrains harmoniques ou rythmiques respectifs. en tout cas il font oublier l’absence de contrebasse et, surtout, se complètent très bien. Le son de Mahieux est jazz : brillant et sec à la fois. A quoi Verly répond par des sonorités lourdes, rondes et longues, toujours délectables. Sur le colemanien « A l’ouest rien de nouveau », cette paire éclaire les chorus de sax superposés de Plandé et Kühn, qui sont comme portés par une rythmique qui réagit et propose mais reste dans un jeu épuré, essentiel.

Sur deux morceaux chantés, Plandé fait appel à Moïna Erichson, dont la voix froide sur le poème de Meret Oppenheim « Für Dich-Wider Dich » donne un côté inquiétant à la musique. On l’aura compris, la musique de Plandé est sans concession mais raffinée. Elle surprend par son côté implacable, et émerveille par sa densité. Il aborde sa fougue avec retenue et domine son coltranisme assumé sans se cacher derrière des élans free. Cette collaboration avec Kühn est un exemple de complémentarité originale (à tel point que ce dernier l’accompagne au sax alto sur deux plages). Mais il reste par-dessus tout très imaginatif en tant que pianiste, et son jeu sied à l’écriture musicale de Plandé. Leur duo révèle une entente musicale maîtrisée et de belle facture.