Chronique

Exoterm

Exits Into a Corridor

Kristopher Berre Alberts (ts), Nels Cline (g), Rune Neergard (b), Jim Black (dms)

Label / Distribution : Hubro

Une réaction exothermique, c’est un dégagement de chaleur. Ça peut être un incendie ravageur de particules toxiques ou un simple brouillard d’hiver qui engonce la campagne environnante. La rencontre entre la paire danoise et son homologue étasunienne que représente Exoterm embrasse avec justesse les deux exemples : elle dégage de la chaleur, c’est un fait. Dès « First Light », la guitare de Nels Cline, agressive et bruitiste s’entend à merveille avec le son monochrome du ténor de Kristopher Berre Alberts ; il y règne un air étouffant, à l’épaisseur sensible, bien densifié par la batterie de Jim Black qui joue à merveille son rôle, sans sortir de sa ligne.

La chaleur sait également couver à bas bruit. « Back Towards The Car - Night » est une déchirure lente ; la basse de Rune Neergard est le comburant d’une boucle bruitiste où le saxophone fait office d’appel d’air. Le feu couve mais ne s’embrase pas, ce qui ajoute paradoxalement un surplus de tension. On se souvient d’Alberts dans l’orchestre Cortex, mais il est dans Exoterm plus proche de son duo avec le batteur Steve Noble. L’école nordique est là, autant nourrie de Terje Rypdal que d’influences clairement rock, soutenue ici par les Américains qui aiment également flirter avec cet entre-deux où pourraient se croiser la part sombre de Zorn ou les lumières tamisées de Keiji Haino. Un sentiment de proximité des confins qui sied à Hubro, le label scandinave qui a réussi à imposer une véritable esthétique.

Exits Into a Corridor est un disque emblématique de ce que représente le label au hibou. Dans un format court et direct, le quartet s’exprime en grande liberté. Ainsi « Two More Times » est un déferlante, un coup de chaud, le point de fusion de cet album où l’électronique de Black se mêle aux décharges électriques de Cline et de Neergard, qu’on découvre ici avec beaucoup d’intérêt. Le propos crépite, joue avec un bruitisme insistant où Berre Alberts tente de reprendre pied dans un soudain attrait mélodique vite chassé par un flux aussi épais que de la lave. L’image est d’ailleurs sensible et prégnante comme du soufre dans tout l’album. Un cataclysme inéluctable et joyeusement irrespirable.