Chronique

Flin van Hemmen

Casting Spells & The Cove

Flin van Hemmen (p, Farfisa, perc), Todd Neufeld (g), Eivind Opsvik (b, gksp)

Label / Distribution : Neither Nor

Flin van Hemmen est sans doute l’un des musiciens les plus étranges et les plus empreints de curiosité que la scène internationale nous offre ces derniers temps. D’origine néerlandaise mais installé depuis longtemps tout près de l’avant-garde de New-York, on a déjà eu l’occasion d’entendre le batteur dans sa musique languide et alcaline sur le label Neither Nor, dans un désarçonnant Drums of Days. Le double album qu’il propose ici, en réalité deux disques distincts qui se répondent ou, mieux encore, se complètent, est l’occasion d’aller plus loin dans son univers très particulier tout en respectant la philosophie du label : le son est primordial et a une dimension physique, capable d’être sculpté.

Une facette magique aussi, c’est tout le sujet de Casting Spells, où on le retrouve principalement au piano, davantage que dans son premier volet. « Still Even » est au porte de l’étrange, avec cette phrase musicale mélancolique et répétitive du guitariste Todd Neufeld, qu’on a notamment entendu avec Tishawn Sorey. L’atmosphère est déstabilisante, avec l’usage d’un field recording lointain et la respiration des musiciens. Le contrebassiste Eivind Opsvik vient apporter un peu de cadre à cette lente dérive très onirique, à l’image de ses pizzicati dans le sinueux « Linedancing » alors que le piano s’échappe au milieu des re-recordings et des douces envolées de la guitare. On imagine parfois quelques bandes échappées de l’école de Canterbury dont on aurait éparpillé les morceaux pour en faire un collage abstrait.

The Coves n’est guère différent, même si le parti-pris est plus mélodique. L’étourdissement s’atténue pour laisser la place à une sorte de récit où le silence n’est jamais loin. La voix n’est pas qu’un simple souffle, il y a des psalmodies et un ballottement, comme le flot des vagues (« Paradise Cove »). Le trio nous propose alors une forme d’état second appelé à être durable. L’usage des re-recordings et des effets en surplus des enregistrements de rue ou de foule, donne à Casting Spells/The Cove une atmosphère qui s’inspire de la musique électronique et de la musique concrète tout en gardant un parti-pris acoustique qui confère à cette oeuvre une couleur bien particulière. Une poésie gentiment incongrue et très prenante.

par Franpi Barriaux // Publié le 8 mars 2020
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