Chronique

Fred Frith Trio

Road

Fred Frith (g), Jason Hoopes (el.b), Jordan Gleen (d) + Susana Santos Silva (tr), Lotte Anker (sax)

Label / Distribution : Intakt Records

Avec Road, le guitariste des aventures Fred Frith s’offre un bel ouvrage. Un double album, édité par Intakt (le label du guitariste hurleur), qui comprend d’un côté un long concert du trio enregistré à Cologne, le 18 octobre 2019, une seule et longue prise intitulée « Lost Weekend » et découpée en 7 parties, et de l’autre 4 pistes provenant de deux concerts différents mais semblables, à savoir : le trio et la saxophoniste danoise Lotte Anker en concert à Ebersberg (Allemagne) le 31 octobre 2019 et le trio avec la trompettiste portugaise Susana Santos Silva, en concert à l’université de Virginie, Charlottesville (USA) le 4 octobre 2019. C’est donc le témoignage à vif d’une série de concerts, dans des lieux et des contextes différents et qui donnent ainsi des couleurs différentes à la musique.

Fred Frith n’est pas connu pour s’embourgeoiser dans quelque programme de tournée comme le font hélas trop souvent les musiciens américains plus mainstream, jouant partout toujours pareil. Lui réagit au monde qui l’entoure et interagit avec les humains. Le premier concert du trio a vraiment tout du week-end foutu, avec ce dimanche soir qui arrive trop vite et cette soirée du samedi dont on a tout oublié. C’est une sorte de lente plongée dans de vagues souvenirs. La guitare s’écorche aux moindres notes et Frith en vient à la voix pour exprimer la déshérence. On pense aux musiques de Marc Ribot / Tom Waits, à Yo La Tengo voire Funkadelic ou Sun Ra… C’est la puissance du blues transfigurée dans l’improvisation de l’instant.

Les deux concerts avec les invitées sont intercalés l’un dans l’autre, un choix de production étonnant mais qui trouve une logique dans la narration ; on commence par la trompettiste puis les deux pistes avec la saxophoniste et on referme avec la trompettiste. Les deux musiciennes sont habituées à ce trio, Fred Frith les invite régulièrement à jouer avec lui. C’est donc sans échauffement que le trio se mue en quartet. De fait, c’est presque comme un seul et même concert, un son de groupe, une même idée. Il y a chez les trois solistes cette même envie de découvrir, à chaque pas, un monde nouveau, une lumière, un son, un souffle qu’ils n’auraient encore jamais croisé. Et nous avons très envie de savoir lesquels.

par Matthieu Jouan // Publié le 5 décembre 2021
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