Chronique

Gilles Coronado

La Main

Gilles Coronado (eg), Olivier Laisney (tp), Christophe Lavergne (dms) + Sarah Murcia (synth), Élodie Pasquier (cl).

Label / Distribution : Onze heures onze

Lors de l’entretien qu’il avait accordé à Citizen Jazz en 2021, Gilles Coronado avait évoqué son nouveau trio La Main. Organisé autour de sa guitare électrique, complétée par la trompette d’Olivier Laisney et la batterie de Christophe Lavergne, l’idée est de privilégier l’interaction et la circulation des propositions dans ces musiques où l’improvisation tient une grande part, mais surtout de travailler des compositions solides auxquelles il importe d’insuffler toute une vitalité. Sous les couleurs, en effet, d’un syncrétisme esthétique pleinement digéré et personnel, une certaine nervosité tient lieu de ligne de conduite aux neuf pistes qui constituent le disque.

Rien de bruyant pour autant, ni de désordonné : des riffs incisifs progressent, au contraire, avec une efficacité doublée par une mise en place tranchante qui convient au son clair et légèrement métallique du guitariste. Zigzaguant entre quelques accords plaqués avec soin et des lignes furtives qui peuvent servir de basse, Coronado s’impose une nouvelle fois comme une personnalité originale évitant les facilités et l’ego guitar hero propres à son instrument.

Le groupe, en effet, n’est pas la somme de musiciens qui ne brilleraient que lors de parties solistes bavardes, mais plutôt une unité compacte aux nombreuses déclinaisons. La trompette d’ Olivier Laisney notamment, quoique posée au sommet du triangle, avance sur une ligne de crête qui, certes, la met en valeur mais permet surtout, par une contiguïté permanente avec ses partenaires, de s’imbriquer dans un processus créatif commun que complète une batterie attentive à porter ailleurs son rôle pulsatile. L’arrivée sur deux titres de Sarah Murcia (au synthé SH-101 sur le morceau 114, un des plus réussis) ou encore d’Élodie Pasquier (avec qui Coronado joue dans le duo Deux Places) gonfle le son de l’orchestre sans en varier la proposition.

Ce programme mobile qui alterne les périodes étendues et celles sous tension, parle au corps par sa force d’impact comme au cerveau par ses constructions alambiquées ; il est l’occasion d’entendre une musique neuve, élastique et non convenue.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 7 janvier 2024
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