Scènes

Grands Formats dévoile son Arsenal

Tous les ans, la fédération Grands Formats organise un temps fort, l’occasion à la fois d’échanger lors d’un débat et de faire entendre deux orchestres dans une salle qui mêle en général prise de risque et luxueuses conditions d’écoute. Un événement dont Citizen Jazz était partenaire.


Tous les ans, la fédération Grands Formats, qui regroupe bon nombre des grands orchestres de jazz hexagonaux organise une « rentrée », un temps fort qui donne à la fois l’occasion de se rencontrer, d’échanger lors d’un débat et d’organiser un concert de deux orchestres dans une salle qui mêle en général prise de risque et luxueuses conditions d’écoute. Cette année c’était à Metz, dans la très belle salle de l’Arsenal que Grands Formats proposait à la fois un débat autour de la question « Pourquoi un orchestre ? » avant de laisser le Circum Grand Orchestra et l’ensemble de Patrice Caratini prendre possession de la salle. Un événement dont Citizen Jazz était partenaire.

« Pourquoi un orchestre ? » la question peu paraître abrupte et décalée. Mais posée dans un contexte de morosité économique et de frilosité des programmateurs, elle est au contraire tout à fait centrale. Animé par Arnaud Merlin, de France Musique, et Fred Maurin, président de la Fédération et leader de l’orchestre Ping Machine, le débat réunissait aussi des personnalités situées au-delà du jazz, tels que Jacques Mercier chef de l’Orchestre National de Lorraine ou Catherine Simonpietri, qui dirige l’Ensemble vocal Sequenza 9.3. Très vite, dans cette salle qui accueille aussi bien du baroque que de la musique contemporaine et du jazz, il fut question d’envie, de formes, de transmission, mais surtout des moyens qui permettent de les mettre en œuvre.

Matthieu Donarier, Patrice Caratini © Franpi Barriaux

Le débat s’est inévitablement orienté sur le mécénat public et le fourre-tout que représentent les fameuses « Musiques actuelles » et, par extension sur l’hybridation du jazz, vécue selon les intervenants comme une injonction ou un paradigme [1]. L’aphorisme lapidaire revient, comme souvent, à Patrice Caratini : « La musique, c’est comme le poisson - des générations entières ne l’ont connu que pané » ; un bon résumé du travail qui reste à accomplir et pose une problématique souligné par le musicologue Pierre Fargeton, spécialiste d’André Hodeir : Diana Krall n’a pas besoin de soutien institutionnels pour vivre, à l’inverse des Grands Orchestres créatifs.

Après ces échanges, c’est le Circum Grand Orchestra (CGO) qui prend possession de l’Arsenal. Tout bon localier aurait écrit qu’ils sont venus faire parler la poudre ; si le jeu de mot est médiocre, le constat est réel : après le départ d’Olivier Benoit, nommé à la tête du nouvel ONJ, l’ensemble lillois n’a rien perdu de sa force de frappe tonitruante. Il est peut-être même un peu trop amplifié pour cette salle à l’acoustique remarquable. Le nouveau répertoire du CGO, écrit par le bassiste Christophe Hache, joue toujours sur le mouvement collectif, même si la circulation est moins concentrique. Cet orchestre se renouvelle dans une certaine continuité en s’appuyant sur certaines relations privilégiées ou transversales, à l’instar des entrechocs entre le batteur Peter Orins et le trompettiste Christian Pruvost, étincelant ce soir là. On a hâte d’entendre le disque du CGO, qui sortira en début de l’année 2014.

Dominique Pifarély © Franpi Barriaux

La soirée se poursuit par une Carte Blanche à Patrice Caratini, invité privilégié de l’Arsenal. L’occasion pour lui de revenir sur ses compositions, y compris les plus anciennes comme cette « Marche du crabe » qui met en évidence la profusion de couleurs d’un orchestre où la tradition ne coupe pas les ailes à la créativité. Somme d’individualités au service du collectif (Matthieu Donarier, David Chevallier, Thomas Grimmonprez…), l’Ensemble de Caratini navigue avec humour entre rythmiques caribéennes et miniatures de tuba (Bastien Stil). En fin de programme, le violoniste Dominique Pifarély rejoint l’orchestre pour une suite écrite à son intention il y a quelques années. L’immédiateté de sa relation avec l’orchestre souligne la belle écriture de Caratini, dont le caractère passionné clôture sans ambiguïté cette Rentrée des Grands Formats.

Pourquoi un orchestre ? Pour toutes ces raisons-là.

par Franpi Barriaux // Publié le 2 décembre 2013

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