Chronique

Guillaume de Chassy

Pour Barbara

Guillaume de Chassy (p)

Label / Distribution : NoMadMusic

Guillaume de Chassy, en dépit de ses choix qui le portent naturellement vers le classique, est un homme de chansons. Bien sûr, il y eut Traversées avec l’Orchestre Dijon Bourgogne ; évidemment il y eut Silences avec Poulenc et Chostakovitch… Mais même sur ce dernier il y avait une chanson de Wal Berg, exécutée en solo. Qui se souvient de Chantons sous les Bombes avec Yvinec et Minvielle, qui abordait le patrimoine populaire des années 40 ? C’était un mélange de quiétude et de noirceur, un paradoxe qui sied à merveille au pianiste et qui se retrouve ici dans « Dis ! Quand reviendras-tu ? » à la fois économe à la main droite et plein de tourments à la main gauche. Une bipolarité qui se nourrit, qui crée, qui s’échange, qui communique et nous fait pénétrer dans l’univers si particulier de Monique Andrée, plus connue sous un seul prénom, Barbara, noir et lumineux, puisque nous sommes dans l’oxymore.

Reprendre Barbara en piano solo est une gageure. Non que l’exercice soit particulièrement périlleux : les talents de mélodiste de la chanteuse sont un fait acquis. D’autres s’y sont essayés, tel Issam Krimi qui avait abordé la dame en noir avec pas mal d’artifices et de travail de studio. Là, De Chassy est seul, au piano, avec du matériel connu de tous et des arrangements qui n’appartiennent qu’à lui. Comment mieux retranscrire « Une petite cantate » qu’en faire une ritournelle aussi miniature qu’obsessionnelle ? Comment mieux conserver le spleen nébuleux de « Göttingen » et ses paroles qu’en donnant une interprétation quasi livrée au silence, comme un marmonnement intérieur où les basses profondes soutiennent la mélodie ? Guillaume de Chassy, avec élégance et simplicité, nous livre sa propre écoute de Barbara et divague même dans sa poésie par des improvisations d’une grande pureté (« Pour Barbara (en son jardin) »

Né d’une commande de la Philharmonie de Paris, cet hommage à Barbara en piano solo souligne à quel point cette musique, avec l’aura d’étrangeté qui l’entoure, est toujours d’actualité. Intemporel, dit-on, et à l’écoute de la fusion entre « Les Rapaces » et « L’Aigle noir », on perçoit que cette notion n’est pas galvaudée, puisque même délestées des paroles, les chansons gardent une charge émotionnelle immense que le toucher et la sensibilité de De Chassy rehaussent à merveille. Une belle promenade dans la poésie sans paroles.