Chronique

Jacques Coursil

FreeJazzArt – Sessions for Bill Dixon

Jacques Coursil (tp), Alan Silva (b)

Label / Distribution : Rogue Art

Coursil et Silva sont de la même génération. Au-delà de l’âge (l’un est de 1938, l’autre de 1939), ils ont tous deux été partie prenante dans l’avènement du free jazz sur la côte Est des Etats-Unis. Ils se retrouvent ici pour rendre hommage au trompettiste et compositeur Bill Dixon, disparu en 2010, qui avait participé à fédérer ce mouvement naissant (par les sessions « October Revolution in Jazz » ou une éphémère guilde des musiciens) et dont ils ont chacun croisé la trajectoire. Pour Coursil, cette expérience remonte aux années soixante – « New York, Lower East Side (1965-1969) » situe-t-il dans les notes – il venait alors de rejoindre les USA après des études en France. Des sessions avec Bill Dixon auxquelles il a été invité, il se souvient d’un cadre refuge vis-à-vis de la vie extérieure de l’époque et d’une atmosphère particulière, d’une danseuse tournoyant au cœur des sessions. C’est la période où Bill Dixon travaille à son premier chef-d’œuvre, Intents and Purposes, qui sort en 1967. Silva retrouvera Dixon sur les enregistrements importants que celui-ci réalisa en Italie pour le label Soul Note en 1980 et 1981.

Sur ce FreeJazzArt, ce sont les disciples qui, symboliquement, reprennent en main les sessions. Silva est ici à la contrebasse, instrument sur lequel on l’entendait moins régulièrement ces dernières années. A côté de ses fulgurances dans le grave et l’aigu, grâce notamment à sa technique distinctive à l’archet, le jeu de Coursil, lui, est d’apparence plus posé – notes tenues ou alternées, modulations subtiles du souffle – traduisant une recherche sonore dont il donne une clé de lecture dans les notes : « Pour jouer en duo de trompettes avec Bill Dixon, il fallait trouver le timbre adéquat, un peu sombre, vaguement âpre, intériorisé, sans esthétisme, sans pathos, sans vibrato ». Ces nouvelles sessions restituent bien le caractère brut des rencontres – comme celle avec Bill Dixon – qui se confirment, bien plus tard, comme déterminantes.