Chronique

Jacques Demierre

The Hills Shout

Jacques Demierre (p)

Label / Distribution : Wide Ear Records

Embarquement pour un voyage spatio-temporel. Le piano n’est plus l’instrument conforme à des attentes communes, sous les doigts de Jacques Demierre, il entre en mutation.

Après avoir illuminé des albums inventifs en trio comme Brainforest avec Barry Guy et Lucas Niggli ou Cone of Confusion avec Jonas Kocher et Axel Dörner, sans compter d’innombrables formations, c’est à l’exercice du solo que Jacques Demierre nous convie avec The Hills Shout. The Well-Measured Piano en 2019 avait révélé la capacité du pianiste suisse à créer un langage imaginatif en soliste avec trois pièces enregistrées. C’est ici une seule composition d’à peine quarante minutes qui se déploie, entrecoupée de silences révélateurs d’une continuité conceptuelle. Cette musique fut enregistrée en direct à l’Offene Ohren de Munich en 2020.

L’inspiration découle d’un poème de Robert Lax (1915-2000), renommé pour ses poésies minimalistes. Son oratorio parlé Black/White Oratorio, réalisé avec John Beer, fut créé à Genève en 1997 dans la ville natale de Jacques Demierre.

L’entrée en matière de The Hills Shout se fait de manière constructive, pas à pas. L’expérimentation acoustique y est constituée de réverbérations sonores répétées et projetées dans le cadre en métal coulé du piano. Cette performance transfigure la brillance des notes du piano qui se muent cycliquement en harpe ou en koto japonais. Jacques Demierre dessine des formes éclatantes où priment les diverses propriétés du son. Les vibrations des cordes décrivent des accords pianistiques illicites, la table d’harmonie ainsi que les mécaniques s’ouvrent à des variations musicales intransigeantes. Les envolées pianistiques sont partie prenante d’un engagement ontologique exaltant.

Le voyage entrepris dans The Hills Shout n’est pas à considérer comme un quelconque raccourci post-sériel. Ce sont des phases exploratoires empreintes de liberté qui permettent à Jacques Demierre d’élever nos consciences tout en magnifiant la matière organique.