Entretien

Kenny Wheeler à nouveau…

Une interview du trompettiste datant de 1997 est rééditée.

Kenny Wheeler © Geert Vandepoele

Né au Canada en 1930, Kenny Wheeler s’est installé en Grande-Bretagne dès 1952 et a croisé, avec sa splendide sonorité de bugle ou de trompette, la crème du jazz - américain comme européen. Il est mort en 2014. Aujourd’hui, il aurait 90 ans. Il est venu plusieurs fois à Liège, jouer au Lion S’Envoile, avec le quintette de Dave Holland (en compagnie de Steve Coleman (as), Robin Eubanks (tb) et Marvin « Smitty » Smith (dm)), mais aussi, en 1997, avec son propre quartet, en compagnie de John Taylor (p), Chris Laurence (cb) et Adam Nussbaum (dm). Cette prestation-ci a débouché sur une interview. Mais le moment choisi par son agent n’était pas idéal… Le concert terminé, les quatre musiciens venaient de s’installer à leur table au restaurant. D’abord détaillées, les réponses devinrent petit à petit plus succinctes.
Il fut décidé de ne pas publier le texte dans le magazine JazzAround.
Ce que fit, par contre, Bernard Aimé rédacteur en chef de Jazz Actuel, le magazine français de Tours.

Cet entretien de 1997 est réédité aujourd’hui conjointement par les magazines belges Jazz’Halo et JazzAround ainsi que Citizen Jazz.

Kenny Wheeler © Geert Vandepoele

- Vous avez enregistré avec John Taylor dès les années 70…

Oui, en 1973, j’ai enregistré Song For Someone en grande formation, avec lui et la vocaliste Norma Winstone. Quelques années plus tard, John a formé le trio Azimuth, avec Norma et moi, et nous avons enregistré ses compositions pour ECM. Mais, en fait, j’avais déjà rencontré John à la fin des années 60 dans un orchestre à Londres, et dès les premières répétitions, j’ai été frappé par la qualité de son jeu. On voyait tout de suite que c’était un excellent pianiste. Dave Holland faisait aussi partie de ce « rehearsal band ». C’est la première fois que je l’ai entendu jouer. Je ne m’imaginais pas alors à quel point ils allaient tous les deux compter pour moi. C’est avec eux, par exemple, que j’ai rencontré Mike Brecker pour l’album Double, Double You.

- Et, dans les années ’80, vous avez rejoint le quintette de Dave Holland…

Oui c’était un magnifique groupe : Steve Coleman à l’alto, Julian Priester puis Robin Eubanks au trombone, Steve Ellington puis Marvin « Smitty » Smith à la batterie. Nous avons beaucoup tourné ensemble.

- Où avez-vous rencontré Chris Laurence et Adam Nussbaum ?

J’ai rencontré Chris à Londres également, notamment au sein de l’orchestre de Mike Westbrook. Quant à Adam, je l’ai croisé à New York, il y a un petit temps. Ça faisait un moment que je pensais que ce serait bien que l’on joue ensemble mais c’est la première fois, avec mon nouveau quartette, que l’occasion se présente.

- Dans votre nouvel album, Angel Song, vous jouez avec Lee Konitz…

Oui, l’album vient de sortir chez ECM. J’avais envie d’enregistrer avec Lee Konitz. On a d’abord pensé à un trio sans batteur, avec Dave Holland à la contrebasse. Mais, moi, j’avais envie d’avoir, en plus, un instrument harmonique : un piano ou une guitare. Personnellement, j’avais pensé à John Abercrombie mais Lee a parlé de Bill Frisell et j’ai tout de suite trouvé que c’était une bonne idée.

- Vous avez croisé plusieurs grands guitaristes…

C’est exact : Bill Frisell, John Abercrombie, Ralph Towner notamment. J’aime beaucoup la guitare.

- Vous avez fréquemment joué en grande formation…

Oui, d’abord avec Johnny Dankworth, mais également avec Mike Westbrook ou George Gruntz. J’ai aussi composé pour grande formation, notamment Music For Large And Small Ensembles. J’ai aussi joué avec le Clarke-Boland Big Band. Cet engagement constituait un peu mes débuts comme musicien professionnel. C’était un excellent orchestre et l’occasion pour moi de rencontrer de grands musiciens comme Kenny Clarke, Johnny Griffin, Benny Bailey.

Kenny Wheeler © Geert Vandepoele

- Il y a un autre aspect dans votre carrière, c’est votre période « free », notamment avec le Globe Unity…

Pendant des années, j’ai aimé cette façon très libre de jouer. Avec le Globe Unity, j’ai rencontré beaucoup de musiciens européens comme Evan Parker ou Albert Mangelsdorff, mais aussi des Américains comme Anthony Braxton et Steve Lacy.

- En Europe, on vous retrouve aussi bien en Italie avec le saxophoniste Claudio Fasoli qu’en France avec le guitariste Jacques Pellen…

J’ai enregistré deux albums avec Claudio Fasoli et deux avec Jacques Pellen, le premier en quartet et le second, Celtic Procession, avec une plus grande formation. J’aime beaucoup la musique de Pellen.

- Ces dernières années, on vous a aussi entendu avec l’oudiste Rabih Abou Khalil…

Oui, j’ai enregistré deux disques avec lui mais, maintenant, il a changé de direction.

- En 1995, vous avez joué avec le saxophoniste belge Erwin Vann pour son projet « Worlds », avec Norma Winstone, d’autres vocalistes et des cordes…

C’est un excellent musicien et un bon compositeur. J’espère rejouer avec lui. Sa création Worlds mériterait d’être enregistrée. C’est une belle musique, mais je ne sais pas si un label est intéressé par ce projet.

par Claude Loxhay / JazzMania // Publié le 10 janvier 2021
P.-S. :

Discographie sélective :

- Windmill Titler (1969) avec le John Dankworth Orchestra ;
- Live In Wuppertal (1973) avec le Globe Unity Orchestra ;
- Azimuth (1977) avec John Taylor et Norma Winstone ;
- Double, Double You (1984) avec John Taylor et Mike Brecker ;
- Seeds Of Time (1985) avec le Dave Holland Quintet ;
- Welcome (1987) avec Claudio Fasoli, J.F. Jenny Clark et Daniel Humair ;
- Music For Large and Small Ensembles (1990) ;
- Blue Camel (1992) avec Rabih Abou Khalil ;
- Celtic Procession (1993) avec Jacques Pellen ;
- Angel Song (1997) avec Dave Holland, Bill Frisell et Lee Konitz ;
- Overnight (2002) avec John Taylor ;
- Fellini Jazz (2003) avec Charlie Haden, Paul Motian, Enrico Pieranunzi et Chris Potter.