Korr

Avec Korr, rencontre franco-italienne initiée par Michel Doneda, on retrouve le goût aventureux du saxophoniste de Linge dans son timbre perçant inimitable, qui sonde l’âme de ses compagnons. Dans « Not Impro in Roc », il va à la rencontre du contrebassiste Andrea Grossi, joueur puissant qui aime le bois de son instrument, sur lequel cognent lourdement ses cordes. Un stentor, voilà qui est indispensable pour le souffle insaisissable de Doneda, qui joue avec l’archet ou explose sporadiquement, comme une bourrasque inopinée. Dans « Tet’ss », on a la même impression, alors que la contrebasse vibre comme un séisme à venir, trouvant un rythme circulaire comme un vortex alors que la batterie de Filippo Monico rentre dans le jeu. Sur les cymbales d’abord, puis avec une sorte de calme et d’autorité naturelle au fil d’une caisse claire comme pour mieux cadrer l’impulsivité de Doneda et Grossi.

Monico est un batteur à suivre, on le sait depuis son récent duo avec Tomeka Reid (The Mouser) ou dans ses échanges avec Alberto Braida. Dans « Tet’ss » toujours, morceau plus long, alors qu’alentour on se plaît à des fulgurances, il joue avec le son du saxophone, les slaps se confondent aux accrocs de la batterie, ballottés par les pizzicati de la basse. Rien n’est stable dans cet échange tripartite, et c’est ce qui crée une grande poésie. Les musiciens sculptent le son avec une nervosité grandissante qui s’attache à toutes sortes de détails avec la patience de l’orfèvre.

Indéniablement, c’est dans la suite « F.T.F », sorte de collection d’instantanés, que l’orchestre trouve sa vitesse de croisière : la « part. 1 » est l’occasion pour Grossi d’aller au plus profond de son instrument, l’archet agissant comme un soc de labour, traçant de profonds sillons que Doneda s’échine à fertiliser. Rien n’est acquis, à l’image de « Part. 4 » où le saxophone est réduit à un souffle infime dans les frappes de la batterie, mais il y a dans KORR des récoltes à venir. Tombé de la voûte, sorti sur le beau label We Insist Records, est un témoignage de la vitalité de l’improvisation européenne et du plaisir des rencontres.