Scènes

Marc Ducret Metatonal au Studio Sextan

Metatonal au Studio Sextan (Malakoff)


Photo Laurent Poiget

Le studio Sextan de Malakoff accueille depuis plusieurs années les formations de Marc Ducret pour capter la chaleur de ses disques. Une fidélité que l’architecte de Tower Bridge souhaitait honorer en ces lieux par un concert célébrant plusieurs événements : les vingt ans de son trio avec Bruno Chevillon et Eric Echampard, mais surtout la sortie de son nouvel album Metatonal sur le label Ayler Records.

Marc Ducret arrive dans la salle avec le sourire. Avec lui, ses amis de Journal Intime, qui portent bien ce soir-là leur adjectif qualificatif. On retrouve d’emblée le jeu sec de l’hôte, extrêmement précis et ferme sur ses cordes, pendant que le saxophone basse de Fred Gastard développe ses familiers coups de boutoir autour desquels Matthias Mahler au trombone et Sylvain Bardiau à la trompette s’enroulent avec gourmandise. On entre dans l’univers du guitariste par la périphérie ; l’atmosphère est clairement celle du trio, mais il joue inlassablement la mouche du coche. L’idée est d’explorer de nombreuses facettes avec ses proches.

Marc Ducret © Franpi Barriaux

Ils laissent ensuite la place à la roborative doublette rythmique avec laquelle Ducret s’impose depuis deux décennies. La contrebasse de Bruno Chevillon est son double en sécheresse. Il répond coup pour coup pendant qu’Eric Echampard invente des motifs qui n’appartiennent qu’à lui. Parfois la frappe est acrimonieuse, mais elle sait alterner avec des instants coloristes sur les cymbales. Le trio est la base des créations du maître de cérémonie ; elle est naturellement au cœur de Métatonal dont les trois autres membres rejoignent la scène après « Porteur de lumière », tiré du récent répertoire. Ce sont aussi des habitués des groupes de Ducret. Christophe Monniot est un vieux compagnon : son solo dans « Inflammable » souligne la puissance et l’investissement qui l’ont toujours animé et qui font regretter qu’il se fasse si rare. Samuel Blaser se fond à merveille dans cette musique. Le Suisse et son leader ont un langage commun, connu d’eux seuls. Le son du cuivre est éclatant, vorace, plein d’énergie. Enfin, le bugliste Fabrice Martinez fait office de novice dans cet environnement. Il ne faudra guère de temps et un solo lumineux pour comprendre qu’il est en terre bienveillante.

Samuel Blaser, Bruno Chevillon © Franpi Barriaux

C’est sans doute la signature de tous ces orchestres : une capacité à faire briller chacun, laisser beaucoup d’espace et inciter en même temps au rapport de force. Le concert prend une tournure jubilatoire lorsque Journal Intime rejoint les six acteurs de Metatonal pour entonner « 64 » où se croisent des compositions de Bob Dylan. Double trombone, autant de trompettes et de saxophones, c’est littéralement explosif. Mahler et Blaser font de leur opposition de style une vraie complémentarité : nerveux et claquant pour le premier, plus fluide et puissant pour le second, à l’image d’un nonette de circonstance qu’on rêverait de recroiser ultérieurement. On reconnaît de nombreux atomes dans le nouveau disque du label Ayler, une maison incontournable qu’il convient de soutenir pour lui permettre de continuer à réaliser de tels projets.