Chronique

Noci Saxophone Pool

Noci Saxophone Pool

Marco Colonna (bs, ss), Gianni Console (as, bs, objets, elec), Vittorino Curci (as, ts, tu, voc), Francesco Massaro (bs, bcl, elec)

Label / Distribution : Autoproduction

Noci, en italien, ce sont les noisettes. Mais c’est surtout le nom de la ville des Pouilles d’où est originaire l’artiste pluridisciplinaire Vittorino Curci. A la fois poète, graphiste et saxophoniste, l’ancien compagnon de route du pianiste Gianni Lenoci montre avec ce Noci Saxophone Pool l’entièreté de ses talents ; il dessine la pochette, ce saxophoniste bâillonné qui aspire à la liberté. Il fait partie du quatuor de saxophones qui aborde une musique très chambriste, mâtinée cependant d’électronique et d’objet divers, pour mieux rendre hommage à ce Pool très référentiel, qui renvoie nécessairement à Bennink et ses amis et qui recherche la même matière improvisée, à l’image de « 30 Settembre » où les anches alignées d’un baryton et d’une clarinette basse vont quérir au plus loin de la matière le moindre jaillissement de lave.
 
Poète enfin, Curci l’est totalement dans « L’albero de la guerra », le plus long morceau de cet album. Sans être au centre du quatuor, il apporte une touche et une couleur particulière à ce morceau par sa voix rocailleuse, sertie par l’électronique de Gianni Console et Francesco Massaro qui apporte décalage et étrangeté. Une persistance, un trouble, entretenu par la polyvalence de ces musiciens trop méconnus en France. Le premier a joué avec Peter Brötzmann, le second est passé par le Hocus Pocus Improvisers Orchestra, lui aussi compagnon de route de Lenoci. Le travail qu’ils réalisent autour du poème, mais aussi dans les deux « Esercizio Provisoro », représente la signature de cet orchestre, et cette capacité à dépasser l’exercice convenu du quatuor. L’improvisation est au cœur du propos et peut prendre toutes les formes possibles, jusqu’aux plus bruitistes.
 
L’axe de cette formation est indubitablement la relation entre Curci et Marco Colonna. Sans jeu de mots pénible, le saxophoniste proche de Roberto Ottaviano et de Zlatko Kaučic est véritablement l’une des colonnes vertébrales. Dans le poème de Curci, c’est le dialogue avec son sopranino qui donne au texte en italien tout le relief nécessaire pour exprimer des sentiments au-delà de la langue. Plus loin, sur « Celicoli Sfrattati », alors qu’on pense d’abord le poète seul, c’est Colonna qui brise le mur d’électronique qui fonde le chaos. Noci Saxophone Pool est un disque puissant et sombre qui nous fait découvrir une nouvelle facette d’un jazz transalpin décidément bien protéiforme.

par Franpi Barriaux // Publié le 9 octobre 2022
P.-S. :