Chronique

Régis Huby Large Ensemble

The Ellipse

Label / Distribution : Abalone / L’Autre Distribution

Avec The Ellipse, Régis Huby aurait-il accompli son grand œuvre ? À l’écoute de cette musique interprétée en Large Ensemble, on serait tenté de l’affirmer haut et fort. Pourtant, le chemin qui a conduit le violoniste à enregistrer les trois mouvements structurant cette composition n’a pas toujours été bordé de roses, depuis sa création à la fin 2017. Les aléas de la vie, les doutes, le contexte particulier de la pandémie de Covid, les remises en question, tout cela est entré en ligne de compte, sans que le renoncement ne finisse par l’emporter sur toute autre considération. Dans un récent entretien [1], Régis Huby expliquait l’état d’esprit dans lequel il avait voulu fixer The Ellipse (parce qu’il s’agit de laisser une trace), sans besoin de conquête et en s’entourant de personnes avec lesquelles il se sentait en harmonie (« Faire des choses qui me plaisent avec des gens qui me plaisent »). Pour le plaisir, sans véritable enjeu, en vivant un moment heureux en studio dans un temps court : une journée pour le montage et les répétitions, deux autres pour l’enregistrement, sans re-recording, avec une configuration en cercle propice à l’intensité des échanges. En harmonie.

De quoi s’agit-il en réalité ? D’une œuvre dont l’évidence vous saute au visage alors même qu’on se trouve confronté au fruit d’un travail d’écriture complexe, dont l’élaboration très minutieuse et la précision des arrangements pourraient venir s’interposer entre la source musicale qu’elle constitue et nos propres émotions. Or il n’en est rien : cette longue composition chambriste, où l’on perçoit parfois l’influence d’un compositeur tel que Steve Reich, s’écoule avec le plus grand naturel, offrant à chacun des protagonistes une place égale. Les tableaux se succèdent, la configuration est sans cesse en mouvement (duos, trios, tutti…), une attention particulière est portée à la dynamique des instruments. Il faut être vigilant, à l’écoute : alors, de l’exécution d’une partition savante naît le plaisir d’une interaction aux couleurs changeantes, qui sont aussi celles de la liberté.

On connaissait les qualités d’explorateur de Régis Huby et l’étendue du spectre de son univers musical (entre la musique de chambre contemporaine du quatuor IXI et les incartades électroniques de Codex III, le grand écart est réel), on savoure d’autant plus sa capacité à fédérer tous ces talents qui semblent s’épanouir dans un grand sourire. La composition du Large Ensemble parle d’elle-même : c’est un annuaire du meilleur. Disons-le tout net, The Ellipse est l’un des disques majeurs de l’année.

par Denis Desassis // Publié le 9 juillet 2023
P.-S. :

avec Régis Huby (vln, comp), Guillaume Roy (vla), Marion Martineau (vlc), Olivier Benoit (elg), Pierrick Hardy (acg), Joce Mienniel (fl), Jean-Marc Larché (ss), Catherine Delaunay (cl), Pierre François Roussillon (clb), Matthias Mahler (tb), Illya Amar (vib, mb), Bruno Angelini (p, rhodes, novabass), Claude Tchamitchian (b), Guillaume Seguron (b), Michele Rabbia (dms, perc, elec).

[1Il s’agit d’une longue conversation informelle par téléphone à la fin du mois de mai.