Chronique

Roland Kirk

Live at Ronnie Scott’s 1963

Roland Kirk (divers inst.), Stan Tracey (p), Malcolm Cecil (b), Ronnie Stephenson (d)

Label / Distribution : Gearbox Records

L’année 1963 est une bonne année pour le multi-instrumentiste américain Roland Kirk. Poussé par une force liée à sa jeunesse et sa virtuosité, il vient d’enregistrer et de jouer avec Charles Mingus, Roy Haynes et Quincy Jones. Même pas trentenaire, il attaque cette année avec l’attitude du musicien de jazz dont tout le monde parle. Il enregistre avec l’orchestre de Quincy Jones et surtout avec celui de Benny Golson.

C’est alors qu’on lui propose une petite tournée en Europe, sans ses musiciens comme c’était l’usage à l’époque – pour des raisons de budget – en s’appuyant sur les rythmiques locales pour des programmes de standards. Il est moins simple, dans ces conditions, de demander aux musiciens locaux de connaître les répertoires des Américains de passage. Cette tournée passe par Londres, Copenhague, l’Allemagne, Paris, l’Italie…
Au Ronnie Scott de Londres, le musicien reste plusieurs semaines en résidence et se produit devant un public nombreux et curieux (on dit même que les Beatles en ont fait partie). Ici, c’est le trio du pianiste Stan Tracey, habitué du lieu, qui accompagne Kirk. L’enregistrement proposé par Gearbox (édition japonaise) qui nous occupe ne contient que quatre titres issus de la soirée du 15 octobre 1963, soit une toute petite partie de ce qui s’est vraiment joué à Londres, à savoir la découverte enthousiaste de Roland Kirk par le Vieux Continent.
Sur les quatre thèmes joués, un seul est signé du saxophoniste : « Three For the Festival », gravé quelques mois plus tôt sur l’album We Free Kings et, comme très souvent chez Kirk, on trouve un thème de Duke Ellington, « Angela ». Les deux autres sont les standards « Close Your Eyes » et « Days of Wine and Roses ».
Grâce à une prise de son correcte et un travail de réédition précis, on profite pleinement de la musique ; on ressent la proximité entre les musiciens et le public qui caractérise ce genre d’endroits. Par moments, le trio ne pouvant pas suivre toutes les digressions sonores et les envolées du leader, il se met en retrait, en silence pour le laisser divaguer.
A d’autres moments, il assure une rythmique solide et sans prétention, laissant toute la lumière au soufflant qui, sur ce disque au moins, joue à l’économie – sachant ce dont il est capable par ailleurs.
Cet enregistrement inédit vient heureusement compléter la liste des live officiels de cette année 1963, hélas encore peu nombreux.

par Matthieu Jouan // Publié le 3 mars 2024
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