Chronique

Ronald Baker Quintet (Featuring Antonio Hart)

Quintet City

Ronald Baker (tp,voc), Alain Mayeras (p), Jean-Jacques Taïb (ts), David Salesse (b), Patrick Filleul (dms), Antonio Hart (ts)

Label / Distribution : Cristal Records

Si je vous dis que Quintet City, le sixième et dernier disque du Ronald Baker Quintet – alliance franco-américaine conclue entre Touraine et Baltimore – dégage des odeurs de naphtaline, vous me direz qu’une telle entame n’a rien d’engageant, ce genre de comparaison olfactive introduisant rarement des commentaires laudatifs.
Pourtant, dans la bible du bon goût vestimentaire, Le chic anglais de James Darwen, on peut lire que le gentleman apprécie l’odeur particulière de la naphtaline, « qui évoque pour lui le goût de la conservation et le maintien de la tradition ».

Tel le gentleman, on peut ainsi délaisser les envies de recherche, expérimentation, ou innovation, du moins les considérer comme non obligatoires, et goûter des plaisirs plus modestes mais non moins exigeants : le travail soigné sur une matière ancienne et ayant fait ses preuves.
C’est précisément le parti-pris du trompettiste Ronald Baker et de ses compagnons : jouer aujourd’hui une musique inventée il y a un peu plus d’une cinquantaine d’années, le hard-bop. Et, tout en ne jouant que des compositions originales – essentiellement signée de Baker et de son pianiste, Alain Mayeras – respecter, sinon la lettre du moins la tradition du genre. Ne le bouleversant qu’à de très petites doses de modernité.
En fait, il y a même quelque chose comme un double retour dans cette démarche. Qu’était le hard-bop sinon une volonté de retour à une tradition, celle des scansions du rhythm’n’blues et du gospel ? La révolution hard-bop était, en quelque manière, antimoderne – quoique très profondément marquée par les audaces du be-bop, les choses ne sont jamais si simples.
Rien de scandaleux, donc, à ce que certains creusent encore ce sillon sans vouloir trop en dévier.

L’équipe s’est, pour ce disque, adjoint les services d’un sixième larron : le saxophoniste Antonio Hart. Compagnon de jeunesse de Ronald Baker il a fait ses classes avec un autre obsessionnel fournisseur de pulsations – plus travaillées par la modernité – Roy Hargrove. Mais même sur les titres où il n’intervient pas, le quintet seul, fort de douze ans d’existence, possède assez de maîtrise et de franche énergie pour éviter que l’exercice ne tombe dans le guindé et manque de satisfaire à sa fonction première : imposer le rythme et l’envie d’y succomber.

Entre les pièces puissamment syncopées se glissent, ça et là, des morceaux chantés. Curieusement, dans ce contexte, ils sont plus soyeux que rugueux, relevés parfois d’un peu de scat, dérivant vers d’autres registres - peut-être pas pour le mieux, d’ailleurs. Ces réserves mises à part, cet ouvrage « à la manière de » se laisse goûter avec assez de plaisir pour qu’on s’abstienne de faire la fine bouche sur son manque de patine.