Chronique

Samuel Blaser

Routes

Label / Distribution : Enja Records

La fraicheur vivifiante de la ville de La-Chaux-de-Fonds dont Samuel Blaser fut imprégné dans sa jeunesse lui a-t-elle donné l’envie d’un ailleurs fait d’exotisme et d’horizons luxuriants ?

Routes, son dernier opus, est imprégné du climat tropical et des eaux turquoises des Caraïbes. C’est avant tout un hommage appuyé à un confrère tromboniste qui bénéficia d’une aura exceptionnelle dans son île natale de la Jamaïque, l’immense Don Drummond. Ce tromboniste et compositeur, né en 1932, fut l’un des membres fondateurs du légendaire groupe de ska, les Skatalites, véritable institution dans cette île habitée par les rythmes. Le reggae et ses dérivés musicaux sont issus du ska, mouvement musical indissociable de ce groupe énergique dont le nom fait référence aux satellites lancés au début des années soixante, lorsque cette formation légendaire fut créée.

De futures stars telles que Bob Marley ou Prince Buster furent associées aux Skatalites au sein du label Studio One ; quant à Don Drummond, il est considéré comme l’un des plus grands trombonistes planétaires et son talent de compositeur prolifique l’amena à avoir le titre « Man in the Street » dans le Top 10 anglais dans les années soixante. Sa personnalité complexe - il était sujet à des crises de schizophrénie - lui valut de multiples hospitalisations et son surnom de « Don Cosmic ». Son décès en 1969, à l’âge de 37 ans, ne le fit pas tomber dans l’oubli et, au nombre de ses admirateurs, figure Samuel Blaser.

Ce disque est avant tout chantant, habité par le groove et l’histoire des traditions musicales jamaïcaines. Ici, point de recherche expérimentale, ce qui ne veut pas dire que la construction des morceaux manque d’originalité. L’emploi des voix et les apports technologiques imprègne cet album. La virtuosité de Samuel Blaser est depuis longtemps reconnue : lorsqu’il aborde le registre aigu, son phrasé est impressionnant de fluidité, et ses improvisations élargissent le spectre lexical de son instrument.

Les diverses collaborations enrichissant cet album élargissent la palette sonore mais donnent parfois lieu à des facilités passagères un peu trop prévisibles. On note toutefois une belle révélation harmonieuse dans « Green Island », une composition de Don Drummond où rien de moins que six trombonistes, dont les vétérans Steve Turre et Glenn Ferris, s’en donnent à cœur joie. Précisons par ailleurs que le légendaire producteur et spécialiste du dub Lee « Scratch » Perry, décédé pendant le mixage, n’a donc pu intervenir sur la totalité du disque.

Routes apporte une palette de couleurs réjouissantes à l’image de sa pochette et du mini poster inclus dans le packaging signés par Graeme Mortimer Evelyn. La musique y est communicative et propage des balancements rythmiques en abondance, à l’image de ce que fut le géant Don Drummond .

par Mario Borroni // Publié le 10 septembre 2023
P.-S. :

Avec : Samuel Blaser (tb), Alex Wilson (p, el org, melodica), Alan Weekes (g), Ira Coleman (cb, baby bass), Dion Parson (dm), Soweto Kinch (as, voc), Michael Blake (ts), Edwin Sanz (perc), Carroll Thompson (voc on 2,6), Lee « Scratch » Perry (voc, dub on 8,9), Jennifer Warthon (bass tb on 4), Steve Turre (shells, tb on 4), John Fedchock (tb on 4), Johan Escalante (tb on 4), Glenn Ferris (tb on 4)