Chronique

Sissoko Segal Parisien Peirani

Les égarés

Ballaké Sissoko (kora), Vincent Segal (vlc), Émile Parisien (ss), Vincent Peirani (acc).

Label / Distribution : No Format !

Quand la Chamber Music de Ballaké Sissoko et Vincent Segal fait vibrer ses cordes au souffle de celle de Vincent Peirani et Émile Parisien dans un grand Abrazo, on est gagné par un doute d’ordre arithmétique (et peut-être métaphysique). Ce double duo, ce 2 + 2 fraternel, ne serait-il pas au bout du compte plus qu’un simple quatuor ?

On peut le penser à l’écoute de ces Égarés d’une beauté si flagrante et si profonde que les mots viennent vite à manquer quand il s’agit d’en évoquer les contours. La joie et l’humanisme qui traversent de part en part cet enregistrement né d’une première rencontre du côté des Nuits de Fourvière en 2019 constituent sans doute la plus belle des réponses que la musique puisse proposer à notre monde en état de délabrement avancé. Ainsi, il resterait quand même des forces suffisantes pour envisager l’idée d’une union des humains dans la paix et l’harmonie. Aucune mièvrerie dans une telle quête, bien au contraire, car il s’agit aussi d’un combat.

Pourtant, la musique est une arme dont la force de dissuasion peut sembler bien maigre par rapport à tant d’autres, réellement destructrices. Et alors ? Faut-il pour autant s’abstenir de porter une parole d’exigence et de concorde ? Non. C’est toute l’ambition – bien au-delà de la force d’évocation d’une musique qui offre les couleurs d’un grand voyage entre Afrique, Europe et Orient – d’un répertoire sensible au point qu’il laisse constamment affleurer la pulsation de chacun des cœurs en action, affirmant ainsi une force collective brandie comme un drapeau.

Les quatre musiciens sont venus chacun avec une dose de musique à partager, choisissant aussi parfois d’emprunter aux autres (Marc Perrone, Joe Zawinul). Tous sont des virtuoses mais ne le laissent pas savoir, préférant exprimer à l’unisson une vibration qu’ils ont préservée comme un trésor, un feu sacré. Les Égarés a quelque chose à voir avec une forme de magie, ce que Vincent Peirani exprime parfaitement en quelques mots : « Aucun d’entre nous ne détenait la vérité : nous la trouvions ensemble ». Il est rare après tout qu’on ressorte à ce point émerveillé, ébloui d’un périple musical. Tentez l’aventure, vous en reviendrez transformé.