Chronique

Stefano Bollani Trio

I‘m in the Mood for Love

Label / Distribution : EGEA

On était un peu inquiet en prenant possession d’I’m in the mood for love. Proposait-il une énième version de « Cheek to Cheek » ou de « Moonlight Serenade » illustrés par une de ces filles sexy et alanguies qu’affectionnaient certains labels, à une époque, pour mieux vendre leurs disques ?

Une écoute rapide confirme que, loin de l’hypnotique lenteur du film de Wong Kar Waï, rythmé par la voix sensuelle de Nat King Cole, ici la pochette ne colle pas non plus au style de musique, aussi incisive que chaleureuse, avec une élégance toujours inventive et passionnée.

Stefano Bollani est une des belles découvertes de ces dernières années côté jazz transalpin après Stefano Di Battista. Ce pianiste a quitté l’Italie pour jouer avec Richard Galliano, Pat Metheny, Dave Liebman, ou encore Aldo Romano. Il s’est fait remarquer avec Les Fleurs bleues, son premier album (Label bleu, 2001) en hommage à Raymond Queneau. Mais sa discographie originale illustre diverses influences et formations, de l’exercice solo au jeu orchestré en quintette (I Visionari), sans oublier ses duos avec les trompettistes Enrico Rava ou Paolo Fresu, un superbe trio scandinave, et enfin ce trio « italien ».

On ne s’ennuie pas une seconde car une vraie réflexion musicale anime ce triangle très équilatéral (Ares Tavolazzi à la contrebasse et Walter Paoli à la batterie) sur des trames pourtant familières. Tous jouent avec beaucoup de feeling un répertoire convenu, se servant de ces structures cadrées pour mieux les déjouer. Avec une énergie parfois véhémente, ils pressent le tempo, pris d’une jubilation intense (cela s’entend) à contourner « Putting on the Ritz » ou « Honeysuckle Rose ». Il peut y avoir aussi dans cette rapidité porteuse d’allégresse une sorte de hâte inquiète (« How Long Has This Been Going On ? »)

Lyrique et tonique, décontracté et fringant, virevoltant et sensible à la mélodie, Bollani, à l’aise dans les figures courtes, éprouve un désir de chant manifeste. Ses deux partenaires ne sont pas en reste : souples mais nerveux, ils l’épaulent avec brio, faisant danser et éclater les formes, en changeant de tonalité ou en précipitant le mouvement.

L’essentiel en jazz résidant dans la manière de jouer, on ne peut qu’acquiescer à ce jazz vif et musclé.