Chronique

Stéphane Guillaume

Pewter Session

Stéphane Guillaume (ts, as, ss, bcl, fl), Frédéric Favarel (g), Marc Buronfosse (b), Antoine Banville (dms)

Label / Distribution : Gemini

Dix ans de jeu, d’échanges et de route. Dix ans pour apprendre à se connaître, affiner une capacité d’action directement connectée à l’écoute… Cette expérience, le quartet de Stéphane Guillaume a la chance de l’avoir, et la met au service d’une musique volontiers portée sur le jeu et l’improvisation plus que sur la complexité des éléments formels. Les compositions sont pour lui autant de rampes de lancement, et si quelques thèmes pourraient se suffire à eux-mêmes, tout particulièrement les ballades, ils s’effacent généralement devant de puissants développements qui tous bénéficient de la souplesse et l’inventivité, dans une veine post-bop que l’amateur de jazz ne saura bouder, de Marc Buronfosse et Antoine Banville.

Dans la pure tradition du quartet, Stéphane Guillaume demeure le soliste privilégié de cette Pewter Session en s’exprimant avec un égal appétit au saxophone, à la flûte ou à la clarinette basse. Le choix de l’instrument semble lié à la couleur qu’il veut donner au morceau, mais aussi à l’énergie qu’il souhaite y imprimer. Ainsi, la sonorité chaude et profonde de la clarinette basse confère à « Almost Friends » une rondeur qui sied à ce swing sur tempo médium, porteur des discours finement tressés de Guillaume et Frédéric Favarel, et concourt à la poésie sonore d’« Illumilune », la pièce finale. À la flûte, son jeu s’aère et « Miss Worry » n’en est que plus délicat, plus serein. Mais s’il varie constamment ses modes de jeu, c’est avant tout au saxophone qu’il parvient à ouvrir les vannes de son expression musicale. Avec une sonorité ample, une remarquable articulation du jeu et une propension à phraser nerveusement sur tous les registres de l’instrument, il semble pouvoir, sur cet instrument plus encore que sur les autres, laisser libre cours à son imagination et sa générosité. Le disque n’est pas avare d’exemples, mais on citera « Heptinuum », sur lequel le saxophoniste pousse son groupe à jouer intensément, ou mieux encore « L’amphi en fard », enregistré en concert où, autour de son soprano, le groupe plonge sans retenue dans une bouillonnante conversation.

Quelle qu’en soit l’intensité, la musique est nourrie, épaissie ou mise en perspective par Frédéric Favarel. Sa présence affecte beaucoup le son d’ensemble : il parcourt son manche sans relâche afin d’offrir, un peu à la manière d’un pianiste, des accords moelleux autour desquels rythmes et mélodies trouvent naturellement leur place. À moins que ce ne soit l’inverse, bien sûr… Toujours est-il qu’entre les accompagnements tout en rondeur et les parties solo - où, par effet de contraste, il utilise souvent une distorsion légère -, sa guitare est omniprésente, toujours dans une juste mesure. Nombreuses sont les occasions que s’offrent le guitariste et le leader de croiser leurs solos, à l’intérieur même d’un propos collectif mouvant.