Chronique

Tous Dehors

Happy Birthday

Laurent Dehors (saxs, clar), Catherine Delaunay (cl, acc, clarigod), Jean-Marc Quillet (mar, vib, xylo, glockenspiel), Bastien Stil (tu, tb, p, clav), David Chevalier (g), Denis Chancerel (g, banjo), Gérald Chevillon (bs, ss, fl), Damien Sabatier (as, bs, graille), Michel Debrulle (dm, perc), Antonin Leymarie (dm, perc)

Label / Distribution : Orkhêstra

Laurent Dehors fête depuis un an les quinze ans de son orchestre « Tous Dehors » et la fête continue. Il faut dire que c’est plus que mérité. De fait, quand il est sur scène, une frénétique et communicative joie de vivre s’empare du public. Attention, le virus se transmet aussi par le disque.

Depuis la première fête, au Rive Gauche de Saint Etienne du Rouvray, le joyeux tentet a fait le tour de la France, et même enregistré, en mars dernier, au studio 105 de la Maison de la Radio, un disque qu’Orkhêstra a la bonne idée de sortir opportunément pour fêter – encore ! - l’entrée des trublions dans leur seizième année.

La musique de Laurent Dehors est étourdissante, à la fois exigeante et excessivement accessible, perfectionniste tout en recherchant l’immédiateté. Elle puise son énergie en live et s’appuie sur des improvisateurs évoluant comme lui dans un univers sans frontière factice et dotés d’un humour en tungstène, sachant s’adapter à toutes les situations, les revirements et les brisures soudaines, au gré des envies collectives. Depuis quinze ans, ce qui fait le charme de Tous Dehors se retrouve concentré dans ce disque : la puissance du rock mêlée à une interprétation à rebours du jazz des origines, un goût immodéré pour les danses explosives et les rythmes de guingois, un amour démesuré pour les chemins de traverses, et surtout, cette volonté affirmée et communicative de ne rien prendre au sérieux, de garder l’humour potache dans le travail d’orfèvre. Un disque qui se présente comme une suite de danses s’ouvrant, comme il se doit, par un menuet. Cette cascade de morceaux résume l’univers de Dehors et son obsession pour un groove foutraque qui s’exprime tout de go, et sans concession, sur « Avez-vous bien compris » avec une levée de batterie virulente puis une partie de cache-cache entre les saxophones et le vibraphoniste et complice de toujours Jean-Marc Quillet, arbitrée par la guitare acide de David Chevallier.

Comme lorsque le saxophoniste s’attaque à Mozart ou à Bizet, la musique est avant tout passée au fil « dehorsien », ce mélange de virtuosité et de volonté iconoclaste. C’est ainsi que dans le déluge rythmique imposé par les deux batteries de Debrulle et Leymarie, les soufflants bringuebalent et virevoltent en liberté, à l’image de Catherine Delaunay et des tranchants saxophonistes Gérald Chevillon et Damien Sabatier, sur les éclats électriques de Denis Chancerel. Le plat est épicé et roboratif, l’ensemble réjouissant et réussi.

« Fast and Furious », dit un morceau de Duke Ellington, ici atomisé avec tout le respect dû à son rang… C’est vrai, ces quinze ans ont passé vite. Quant à la furie, elle n’est pas près de se tarir…