Chronique

Wollny, Parisien, Lefebvre, Lillinger

XXXX

Michael Wollny (kb, elec), Emile Parisien (sax, elec), Tim Lefebvre (eb, elec), Christian Lillinger (dms, elec).

Label / Distribution : ACT

Michael Wollny, Émile Parisien, Tim Lefebvre, Christian Lillinger. Avec ces quatre noms sur la pochette d’un album, vous vous attendez, j’espère, à des surprises.
J’espère, parce que vous allez être servi.

Un quartet formé de musiciens que l’on trouve généralement là où on les attend le moins : c’est leur marque de fabrique, à tous. Michael Wollny avait joué avec chacun d’entre eux séparément, mais c’est en décembre 2019 qu’ils se sont retrouvés pour la première fois à quatre, peu de temps avant la clôture générale que l’on sait, au sein du club A-Trane à Berlin pour quatre soirs à raison de deux sets par soirée. Le mot d’ordre : improvisation 100 % - sauf un titre composé par Wollny, « Nostalgia for the Light ». Deuxième mot d’ordre : on joue électronique. Inhabituel autant pour le pianiste que pour le saxophoniste. On allait voir ce qu’on allait voir.
Et on voit, ou plutôt on entend. De ce conclave sont sorties des heures d’enregistrement qui ont ensuite été retaillées, découpées en rondelles et moulinées par Wollny, Lefebvre et l’ingénieur du son Jason Kingsland pour en exprimer le suc : 10 plages enregistrées pour quelque 45 minutes d’un OVNI musical déroutant, interrogeant et diablement accrocheur.

Ce n’est donc pas un album live que vous avez entre les oreilles mais une subtile élaboration d’un matériau live, nuance.

On connaissait chez Wollny ce côté « ange du bizarre » qu’il exposait déjà voici plus de dix ans dans Wunderkammer. On connaît aussi son goût pour les rythmiques appuyées venues du rock (témoin son groupe [em]).
Les deux se marient ici dans un ahurissant vortex sonore. Au synthétiseur, Wollny propose d’innombrables pistes qui partent dans toutes les directions, parfois franchement vintage, limite krautrock, mais toujours inventives. La basse et la batterie se chargent des couleurs de fond, sombres ou tourmentées, et de la pesanteur des atmosphères. Mais c’est le saxophone d’Émile Parisien qui propulse l’ensemble dans la stratosphère par ces échappées mélodiques dont il a le secret : un chant clair - même quand il est distordu ou réverbéré par l’électronique -, articulé mais jamais attendu, jamais convenu, et marqué par un humour incisif. Ce qui aurait pu avoir un arrière-goût de revival synthpop prend une tout autre dimension, qu’on se gardera bien d’assortir d’une épithète. C’est juste autre chose.

Les 10 pistes ont reçu des titres qui, quasiment tous, font référence au cinéma : Lost Highway (« Dick Laurent Is Dead »), Blade Runner (« Too Bright in Here »), Las Vegas Parano (« Somewhere Around Barstow »), Le Sens de la Vie (« Find the Fish »)… et on me chuchote dans l’oreillette que l’illustration de pochette représente la formule chimique de la psilocybine.
Vous en tirerez les conclusions que vous voudrez.

Quoi qu’il en soit, XXXX (pour « eXplore, eXpand, eXploit, eXterminate », précise le label) est un disque qui mérite votre écoute attentive.