Chronique

Yves Robert Trio

Inspired

Yves Robert (tb), Bruno Chevillon (cb), Cyril Atef (dm)

Label / Distribution : BMC Records

Avec de la suite dans les idées, Yves Robert signe Inspired sur le label hongrois BMC et reste fidèle à de vieilles amitiés. Renouvelant son compagnonnage avec Bruno Chevillon (déjà présent sur un disque de 1989 en compagnie de Aaron Scott) et Cyril Atef (avec qui il signait le magnifique In Touch sur ECM dès 2002), il se place dans le parfait prolongement de ses productions précédentes et semble plus que jamais se débarrasser de toutes contraintes. Proposant une musique sans apprêts qui trouve sa sensualité dans la complicité de ces collaborations anciennes et toujours fertiles, il reste dans le même ordre d’idées que Inspirine (2009, Chief Inspector) dans lequel sévissaient déjà Atef et Chevillon (en alternance avec Vincent Courtois), C’est dire si d’un disque à l’autre, le souffle continue à traverser des territoires et couleurs familiers.

Ainsi le moelleux du trombone aux phrasés impeccablement détourés se plie-t-il toujours à toutes les acrobaties, trouvant même une brillance éclatante dans les notes puissantes. Toujours fervent de lignes mélodieuses (comme sur « Bien dans sa peau »), parfois audacieuses, il est de chaque proposition. Sans accaparer le devant de la scène pour autant, il privilégie les interactions avec ses camarades.

Avec un art consommé du rebond, la rythmique impose en effet un tempo tout à la fois soutenu et d’une grande variété de nuances. Fondue dans les frappes de la batterie, la basse, qui semble discrète et pulsatile, est en réalité à bien des moments un soutien indéfectible pour ses partenaires par des riffs toniques et chantants. Le batteur de son côté, riche de sa culture venue du rock, de la pop et d’ailleurs, renouvelle sans cesse son drive en débordant largement les frontières du jazz. Que ce soit les ambiances dures (pas des plus réussies) ou celles ensoleillées évoquant les sambas brésiliennes et la batucada (sur “The Bliss and Me”, titre de Courtois), il est le joyeux et exubérant compagnon de cette formation.

Car ce trio, enregistré lors d’improvisations sans filet (exceptées deux compositions de Courtois et Robert) est une petite cellule qui s’autoalimente et s’élance d’un bloc dans les climats les plus variés avec beaucoup de gourmandise. Avec l’envie, parfois difficile à suivre, d’une déconstruction un peu appuyée (comme sur « La fabrication de l’instant ») ou dans des phases de jeu plus immobiles (sur « Brain Wave ») ou expectative (sur « Insperiment »), la connivence est jubilatoire. S’entraînant les uns les autres dans des boucles grisantes longuement mises en place, le plaisir partagé (comme c’est le cas sur « Cahutchuca ») nourrit toujours cette subtile et généreuse machine à danser.