Chronique

David Chevallier

Is That Pop Music ?!?

David Chevallier (g), Yves Robert (tb), Christophe Monniot (as, ss), Gérald Chevillon (bs), Denis Charolles (dms)

Label / Distribution : Cristal Records

« Ceci n’est pas une pipe ». Appliquée à la pop, la célèbre sentence de Magritte a des allures de pomme bleue, comme un négatif couleur du célèbre fruit défendu des Beatles qui orne Is That Pop Music ?!?. Ce nouvel album permet à David Chevallier de retrouver un certain nombre de ses Pyromanes, le tromboniste Yves Robert en tête. Après avoir exploré la noirceur de Gesualdo, parmi d’autres territoires baroques, le guitariste s’empare des dorures moins patinées de la musique populaire des quarante dernières années aux côtés de David Linx, qui semble beaucoup s’amuser à décortiquer des scies comme savait en produire le groupe Tears For Fears. Quiconque a subi les relents frelatés de « Sowing The Seeds Of Love » ne pouvait imaginer retrouver un jour ce morceau à pareille fête : la scansion parfaite du chanteur s’allie à merveille aux croisements incessants entre l’alto de Christophe Monniot et les accents chantants du trombone. Encadré par la guitare très sèche, le morceau prend une autre dimension, nécessairement plus profonde, fondamentalement plus collective.

On peut penser qu’Is That Pop Music ?!? a été une récréation pour David Chevallier, qui venait donc de malaxer la musique ancienne. Et la possibilité de renouer avec une certaine force de frappe, celle de ses débuts rouennais avec Denis Charolles. Se plonger dans « Once In A Lifetime » (Talking Heads), avec le jeu dur et turbulent de ce batteur, c’est faire ressurgir de vieilles alliances que ravive le saxophone basse de Gérald Chevillon, impeccable dynamiteur de l’ensemble et soutien indéfectible du guitariste. Car il ne faudrait pas croire qu’avec cet album, Chevallier relâche la tension. Un morceau comme « Message In The Bottle » (qui, incidemment, rappelle que Sting n’aurait décidément pas dû céder à la facilité), montre avec quelle aisance il sait attirer par un vertigineux solo n’importe quelle musique sur son propre terrain, foisonnant et en constante évolution depuis les premiers concerts, en 2009.

Ceci est plus qu’un hommage aux musiques qui ont bercé l’adolescence des musiciens. La démarche qui anime David Chevallier est la même quels que soient les « John » - Dowland ou Lennon. Au centre d’Is That Pop Music ?!?, l’enchaînement d’un « Come Together » très funk et d’un « She Said » aux harmonies subtiles est d’ailleurs à envisager comme une suite. Le groupe y montre sa faculté d’alterner les registres et les atmosphères, passant du rock improvisé à la subtilité la plus écrite, le tout structuré par la plasticité vocale de Linx. Face à ces détours en accélérations soudaines, à ces bifurcations en brusques ralentissements, nul ne saurait répondre à la question posée. C’est justement la qualité première de l’album.