Scènes

L’ONJ rend la parole à « Carmen »

L’Orchestre National de Jazz, sous l’égide de Daniel Yvinec, inaugurait vendredi soir sa troisième création à l’Opéra Comique en accompagnant en direct le film muet Carmen de Cecil B. DeMille.


L’Orchestre National de Jazz, sous l’égide de Daniel Yvinec, inaugurait vendredi soir sa troisième création à l’Opéra Comique en accompagnant en direct le film muet Carmen de Cecil B. DeMille.

La composition, confiée aux dix jeunes musiciens de l’ONJ, à charge pour chacun d’en écrire un chapitre, est étonnamment homogène, riche en couleurs, pleine de contrastes et d’une fougue propice au drame de Mérimée.

Pour une fois, le film projeté au-dessus de l’orchestre n’était pas à la hauteur des inventions musicales dont firent preuve les dix compositeurs-interprètes, épaulés par les improvisations électroniques de leur invité Benoît Delbecq. Son intérêt historique - il fut tourné en 1915 - ne comble pas les faiblesses des scènes qui ne sont pas d’action. De la même époque, Griffith, Christensen, Pastrone, Rye ou Galeen m’épatent beaucoup plus et j’avoue plus d’une fois avoir déserté le film pour savourer la musique en fermant les yeux. C’est à se demander si une version de concert ou sa publication en disque ne profiteraient pas mieux à cette remarquable partition d’une heure.

D’autant que les deux arrêts (numériques) sur image ne mettent pas vraiment en valeur les interventions chantées du guitariste Bernardo Sandoval, second invité de la soirée. On comprend ce qui les a motivées chez Yvinec - besoin de pause dans le continuum orchestral et référence hispanique -, mais les images figées, fussent-elles au moment d’un baiser, ne sont pas du meilleur effet scénique, et le flamenquiste tombe un peu comme un cheveu sur le gazpacho.

La musique mériterait donc une écoute plus focalisée, pour pouvoir apprécier l’apport compositionnel de chacun des membres de l’orchestre. Celui d’Antonin-Tri Hoang structure et articule, par exemple, la scène de bagarre, profitant grandement au film, la fin d’Ève Risser avec guitare Barbie lui redonne une modernité, tout comme les effets joués tout le long en direct par Benoît Delbecq. Les clins d’œil effleurés à Ennio Morricone, la qualité de la section rythmique composée du bassiste Sylvain Daniel et du batteur Yoann Serra nous font voyager parmi les mythes qu’engendre le cinématographe mieux que sur la trame dramatique qui inspira Bizet, dont l’œuvre fut créée dans cette même salle Favart le 3 mars 1875.

Texte initialement paru dans une version étoffée sur le blog de l’auteur, que nous remercions.