Scènes

Le Sacre du Tympan est bon pour les oreilles

Aperçu enthousiaste d’un concert de jazz cinématographique au sous-sol de la Boule Noire.


La Boule Noire, c’est sous la Cigale un parquet ciré et lustré par des générations de bals musette. Du moins c’est l’impression que donne l’endroit, avec ses peintures psyché effectuées à même la moquette murale et ses alignements de lustres en nacre.

Avant dernier rendez-vous d’un Festival concocté par Deluxe Production.

Synthés vintage, xylophone et glockenspiel, plus un plateau d’or étincelant de cuivres, la grande formation du Sacre du Tympan fait face. En prélude aux réjouissances, les Bonimenteurs du cauchemar, que Fred Pallem l’« alter mondialiste » dédie à ces hommes qui nous gouvernent. Une intro de batterie épileptique plus loin, de jouissives déferlantes de surf-musique surgissent des instruments.

La guest star de la soirée, Sylvain Lemêtre, nous plonge dans les délices exotiques du cha-cha-cha et nous transporte à Bongotown. Puis l’atmosphère s’épaissit, se fait plus mystérieuse, et un brouillard de notes perlées émanant des claviers de Vincent Taurelle invite à la rencontre d’une forme de vie extraterrestre sur les riffs du tromboniste Daniel Zimmerman.

Bande-son du 7ème art, Le Sacre du Tympan interprète une musique qui s’écoute en bras de chemise sous les cocotiers hawaïens. À l’image d’un tapageur « Motor Psycho Blues », hommage direct à Russ Meyer. La rythmique de steady jam-« aicain » s’accompagne de longs glissandos de trombones - autant de frissons lascifs qui vous couleraient le long de reins.

C’est une soirée militante, incidemment : d’où la « Sérénade pour l’entarteur »-pâtissier Noël Godin, valse génoise délicieuse comme un Nino Rota confectionnant une tarte à la crème à lancer à la tête du G8. Tout s’enchaîne sans répit et sans entracte dans une chaleur tropicale qui fait transpirer les musiciens déjà malmenés par les transcriptions ardues de Bloody Serenade, romance brillante et complexe signée André Popp (original mélodiste du générique des « Chiffres et des lettres » et de « Babar »).

« Guitar hero » du Sacre, combo cinéma-jazzo-graphique, Ludovic Bruni place des riffs rock version Woodstock sur une ballade au goût de fleur de pavot où, plus efficaces qu’un Tupolev à basse altitude, les suraigus de Rémi Sciuto vrillent les tympans ; ce Sexy Sax lubrique évoque une libido inassouvie après cinq semaines d’abstinence passées à prier Saint Priape.

Manteau pop psyché, clin d’œoeil complice au cinéma, Fred Pallem, qui fut un temps graphiste, puis onaniste musical, fait osciller les corps sur une fréquence de plaisir. Le Sacre du Tympan sera à revoir en mars au Gibus, puis en juin au Trabendo.

Un mot sur la première partie, Gaspard la nuit. Gaspard chante comme Léo Ferré et parle comme Louis de Funès. Ça ne manque pas de contraste, un peu comme sa cravate aux motifs or sur chemise noire. Des chansons pleines de désespoir amoureux et de personnages transis accrochés au réverbère d’un hypothétique rendez-vous de Garenne.

par // Publié le 16 janvier 2006