Scènes

Libérez le réveillon !

le Vibe, lieu de votre réveillon jazz ?


Le Vibe, lieu chaotique, insolite et métisse fiché au cœur de la Cité Industrielle de Vincennes, fête la Saint-Sylvestre 2001 paré de notes bleues.

Pour assister à une soirée au Vibe, salle de concert intermittente du collectif Mélanine, il faut se munir de patience, user de ruses de détectives. Tout d’abord, réserver sa soirée à l’avance, par téléphone ou par courriel, car le Vibe, lieu isolé, n’ouvre que s’il est sûr de recevoir du monde. Ensuite, se doter d’un second choix pour prévenir une annulation, toujours possible. Enfin, repérer le soir venu, plan en main, le bâtiment désaffecté de la rue de la Jarry, au milieu de grands ensembles industriels, à l’esthétique hostile aux noctambules. Une fois franchi le seuil, c’est gagné ! On se détend, et on se laisser pénétrer de l’atmosphère chaude et complice du vaste loft, aménagé en labo artistique.

En attendant le début du concert, on s’attarde, du coin de l’œil, sur les mille et une trouvailles de décoration, récupérées et bricolées d’un goût sûr. Les couleurs et les formes évoquent l’Afrique vivante et inventive, et l’on n’est pas surpris d’apprendre que l’association Mélanine, tenancière du lieu, a vu le jour au Sénégal, cinq ans auparavant. Active en région parisienne où elle anime des ateliers gospels, la jeune communauté d’artistes a également bâti des ponts vers l’Amérique, drainant dans son giron des grands du jazz d’outre-Atlantique.

Ce jeune lieu est né d’une drôle d’histoire. Pascale Quatela, chanteuse et pièce maîtresse du collectif, raconte : « VIBE a pris racine à Vincennes presque par hasard. En plus de mon métier, je garde des enfants et l’un d’eux, devenu jeune homme, m’a parlé de cette salle à louer, dans une usine désaffectée. Le saxophoniste David Murray, qui m’a accompagné lors de la visite, a été saisi par la ressemblance entre ce loft, et les divers endroits où il faisait le coup de feu dans les années 60 et 70 en compagnie de Max Roach, de Sonny Rollins et de l’Art Ensemble of Chicago. ». En avril 2001, Melanine investit le loft et invite une amie décoratrice à donner vie à ses murs de béton. Six mois plus tard, le lieu s’ouvre au public.

Les vieux lions du jazz new-yorkais des années 70 rôdent nombreux autour du Vibe, et il n’est pas rare d’y croiser Sam Rivers, Archie Shepp, Franck Lacy ou le sénégalais Kenyatte Abdur-Arhman. Peut-être sont-ils séduits par l’écho qu’ils y perçoivent de leurs luttes de l’époque, l’importance que Mélanine (le nom du pigment qui colore la peau humaine) accorde au lien entre jazz et culture africaine, au fait que la salle soit gérée par les seuls musiciens. Cette parenté avec le mouvement free, Pascale ne la rejette pas, sans pour autant la reprendre à son compte. Artiste pragmatique, issue d’une génération plus en retrait des utopies, elle préfère parler du présent, de l’ambiance du Vibe les soirs de fête, où « les gens se mettent à danser, sans façon », des lundis matin où les hôtes d’un soir racontent à leurs collègues, farauds, comment une soirée concert a pris, soudain, des accents d’aventure.

Si le lieu vibre de cette atmosphère d’improvisation « bohème », loin de la gestion rigoureuse qui a cours dans les salles plus rodées, on peut s’inquiéter, avec quelque raison, pour sa survie à plus long terme. Les soirées qui se décommandent faute de spectateurs, la notoriété très confidentielle du lieu, fait d’une programmation instable et difficile à médiatiser, ne jouent pas en faveur de sa prospérité. Sa fragile alchimie, qui fait sa chaleur et sa valeur, ne peut survivre éternellement de musique et d’eau fraîche…
Pour remettre le Vibe sur le chemin de la réussite, ses hôtes organisent pour la Saint –Sylvestre une grande nuit de jazz et de champagne, en compagnie d’un grand ami américain, le tromboniste Frank Lacy, sideman du saxophoniste Tim Berne, du batteur Art Blakey et de bien d’autres musiciens qui comptent. On nous promet qu’il y aura un buffet somptueux, l’ambiance des grands soirs, et peut-être, même, d’autres invités surprises… Accessible sur réservation, cette soirée offrira aux curieux l’occasion de partager une expérience, celle de musiciens organisateurs pour qui l’improvisation ne se limite pas à la scène.

Cité industrielle de Vincennes 106, rue de la Jarry - Ascenceur (A) gauche - 5ème étage 94300, Vincennes, France Tél. : +33 (0)1 43 98 92 73 +33 (0)6 99 81 67 28 E-mail : vibe @ jazzvalley.com

par Extralys // Publié le 17 décembre 2001