Chronique

Renaud Garcia-Fons

Solo (The Marcevol Concert)

Renaud Garcia-Fons (b, loops)

Ce disque est l’histoire de toute une vie en musique ; celui, aussi, d’un coup de foudre que le jeune Renaud Garcia-Fons, alors âgé de seize ans, eut pour la contrebasse, une passion si forte que l’homme semble aujourd’hui ne faire plus qu’un avec elle, devenue prolongement de son âme. Un instrument auquel il n’a eu de cesse, depuis ce choc originel, de donner une voix soliste, y compris dans ses expériences en groupe, et d’en exploiter toutes les possibilités. Pour lui, la contrebasse allait devenir un instrument universel, autant lyrique que rythmique, « à la croisée de toutes les techniques de jeu des instruments à cordes ».

A l’aube de la cinquantaine, il entreprend avec Solo (The Marcevol Concert), dixième disque en vingt ans sous son nom [1], un fascinant voyage, synthèse radieuse de toutes les influences dont il a pu se nourrir depuis l’enfance, un nouveau périple au soleil de la terre méditerranéenne, et notamment catalane, que le Navigatore a chevillée aux cordes ; mais cette aventure nous emmène aussi en Irlande, en Birmanie, en Amérique Latine en Afrique ou en Orient… Les frontières n’existent plus, et même s’il peut émettre – juste avant de la reprendre à son compte avec un petit sourire – quelques réserves sur l’emploi du terme galvaudé de world music, Garcia-Fons s’est réellement forgé un univers qui est celui d’une musique du monde qui brasse des influences de tous les continents tout en lui permettant de s’accomplir dans un répertoire original (il signe toutes les compositions). Ici se croisent musique baroque, médiévale ou classique, jazz et rock. Solo est le disque de l’épanouissement d’un artiste totalement investi par son art, mais aussi celui d’un homme humble et réservé, infatigable travailleur de la contrebasse.

Solo est aussi la démonstration lumineuse – mais jamais ostentatoire, tant ce concert montre un Garcia-Fons habité par ce qu’on pourrait appeler sa discipline – du talent d’un artiste qu’on hissera volontiers au rang de maître. Seul avec son instrument (et quelques effets électroniques générateurs de boucles sonores), il repousse les limites d’une technique déjà immense, et déploie un chant d’une stupéfiante beauté. En s’installant au Prieuré de Marcevol, lieu magnifique de ses promenades d’enfance, il ouvre en grand la porte d’espaces sonores chargés d’une puissante spiritualité, et dont le fort pouvoir d’attraction est la promesse d’un voyage vers l’enchantement : « Je veux raconter des histoires qu’on ne peut exprimer avec des mots. Voyager vers des étendues, sans savoir lesquelles. La musique nous capture, on ne sait pas où on va, on est absorbé par quelque chose qui nous dépasse, au-delà des émotions quotidiennes ». Un voyage qu’on vit comme une vraie histoire dont l’écriture est rigoureuse et le fil conducteur celui de la vie, sans nul doute.

Présenté sous la forme d’un CD et d’un DVD contenant le concert et deux bonus (un clip et une interview), Solo est une réussite éclatante. On savait toute la force et le chant de la musique de Renaud Garcia-Fons, on en découvre aujourd’hui le caractère universel et intemporel.