Chronique

Bost, Cognet, Gibert

Chant Général

Olivier Bost (tb), Clémence Cognet (vln, voc), Clément Gibert (cl, clb) + invités.

Label / Distribution : ARFI

Parmi les musiciens de la vénérable ARFI, certains sont considérablement investis en Auvergne dans les musiques traditionnelles, qu’ils se plaisent à confronter aux musiques improvisées et aux imaginaires en tous genres. On se souvient du remarquable Black Bourrée qui réunissait le clarinettiste Clément Gibert et la chanteuse violoniste Clémence Cognet ; à la recherche d’un folklore imaginaire, ils forment une sorte de base, celle qui insuffle la grammaire et les couleurs d’un folklore réel. Une base, pour favoriser les errances poétiques. Avec Chant Général et ses multiples invités, ces musiciens vont encore plus loin dans le panorama chimérique. Le tromboniste Olivier Bost, qui les rejoint pour offrir un équilibre à la clarinette basse, n’est pas étranger à cette transformation : lorsque « Les Conquistadores » s’ouvrent sur ce dialogue avec Gibert avant que Juliette Minvielle ne les rejoigne, l’esprit du disque est annoncé : aller partout, écouter ce qui se marie au mieux. Composer un chant général.

Pour les plus vieux d’entre nous, qui ont eu la chance de connaître la poignée de révolutionnaires sociétaux avant qu’ils ne trouvent quelques charmes aux jeunes ministres dynamiques de Bercy, le souvenir du Canto General de Neruda mis en musique par Mikis Theodorakis en 33 tours, pas très loin de La Montagne de Ferrat et d’un Programme Commun annoté au crayon en réunion du PSU, rappellera quelques souvenirs. Si les textes de Neruda sont ici allusifs et adaptés par Clémence Cognet (« Le sang du bourreau », dit par Guy Villerd), c’est l’esprit de Neruda, sa colère et son lyrisme qui sont convoqués ici. Ainsi, « Maldito », dans une très belle lecture de Laura Tejeda Martin, où le violon et le trombone semblent faire un pas de deux, s’ancre plus franchement dans le propos nerudien. Ailleurs, on l’approche en douceur. On lui insuffle surtout une grande nouveauté, notamment dans « Yo quiero » où Camille Lainé vient apporter une turbulence enfantine très réjouissante.

Le folklore imaginaire de l’ARFI ne s’est jamais aussi bien porté dans ces habits neufs, même parmi les plus free (« Éternité », avec le trompettiste de Kill Your Idols, Radek Klukowski). Une continuité qui se régénère. Le trio à la manœuvre ici est aussi impliqué dans La Marmite Infernale qui intervient sur le feu d’artifice final très théâtral de « La Vague », comme pour mieux montrer toute la diversité d’un projet qui fera penser, de loin en loin, aux Voix d’Itxassou de Tony Coe. On a connu pire référence.

par Franpi Barriaux // Publié le 31 mars 2024
P.-S. :

invités : Marie Nachury, Guy Villerd, Damien Grange, Laura Tejeda Martin, Alain Aubin, Lisa Langlois-Garrigue, Cati Delolme, Juliette Minvielle, Jessica Martin-Maresco, Maud Herrera, Camille Lainé (voc) Antoine Läng (voc, gbd), Radoslaw Klukowski (voc, tp), Dylan James (voc, b), La Marmite Infernale (Big Band).