Chronique

Roots Magic Sextet

Long Old Road

Alberto Popolla (cl, clb, elb, bjo), Errico De Fabritiis (as, bs), Eugenio Colombo (flutes, ss), Francesco Lo Cascio (vib, perc), Gianfranco Tedeschi (b), Fabrizio Spera (dms, perc, cith).

Label / Distribution : Clean Feed

Oreilles grandes ouvertes, Pedro Costa a toujours eu le nez pour dénicher des trésors. Le dernier album du groupe Roots Magic en est encore la preuve. Voilà maintenant près de dix ans (depuis Hoodoo Blues & Roots Magic, sorti en 2015) que le patron du label Clean Feed soutient ce groupe formé à Rome en 2013. Entamée en quartet (Alberto Popolla aux clarinettes, Errico De Fabritiis aux saxophones, Gianfranco Tedeschi à la contrebasse et Fabrizio Spera à la batterie), leur aventure continue aujourd’hui en sextet avec l’ajout du flûtiste et saxophoniste Eugenio Colombo et du vibraphoniste Francesco Lo Cascio.

Long Old Road est le quatrième album de Roots Magic. Sous-titré « retold pasts and present day musings » (qu’on pourrait traduire par récits passés et réflexions actuelles), l’album s’écoute comme une relecture énergique et originale de l’héritage musical du peuple afro-américain, à mi-chemin entre le free jazz et le blues du Delta, en passant par des réminiscences funk ou des emprunts aux brass bands de la Nouvelle-Orléans. Le répertoire se compose de plusieurs reprises de grands anciens (Bessie Smith, Rosa Lee Hill ou Cal Massey), de compositions hommages (au pianiste fondateur de l’AACM Muhal Richard Abrams ou au violoncelliste Abdul Wadud) ou de morceaux inspirés par des écrivains et penseurs afro-américains (Toni Morrison, Benjamin Zephaniah). Le tout dessine en creux les contours d’une Amérique noire et fière qui voit dans l’art un levier puissant pour faire changer les mentalités.

Roots Magic s’inscrit indubitablement dans cette filiation au travers d’une musique puissante et très narrative, portée par des mélodies simples et chatoyantes et pulsée par une section rythmique riche et dynamique dont s’extirpe parfois le vibraphone pour soliloquer à sa guise. Quant aux trois soufflants, ils rythment le déroulement des morceaux par leur solos habités et rageurs (mention spéciale au saxophoniste Errico De Fabritiis), par leur forte cohésion et par le subtil mélange de leurs timbres. Un bien bel album qui nous donne envie d’aller écouter les premières productions du groupe.

par Julien Aunos // Publié le 12 novembre 2023
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