Chronique

Artt Frank Ensemble

In the Moment

Artt Frank (d), Harold Danko (p), Graham Bruce (tp, bugle), Phil Bowler (cb), Matt Criscuolo (as), Ken Barry (ts), Tony Lombardozzi (g), Earla Poch Frank, Giacomo Gates, Yvonne Kauffman (voix).

Beaucoup de musiciens sont passés à côté des feux de la rampe, non parce qu’ils n’avaient pas le niveau requis, mais parce qu’ils étaient sidemen de leaders charismatiques. Artt Frank fait partie de ceux-là. Tout au long de sa carrière, Chet Baker s’appuiera sur ce formidable batteur, qui évolue dans la plus pure tradition bop, et sera même le témoin privilégié et acteur du premier et unique retour du grand trompettiste, au Melody Room, à Hollywood, en 1969 (ces sessions connaîtront de futures éditions sous le titre « The Chet Baker Archival Series »).
Avec In The Moment, Artt Frank nous guide - dans un format septet augmenté de trois chanteurs dont sa femme, Earla Porch Frank à travers douze thèmes : huit compositions personnelles (notamment co-écrites avec le trompettiste ‘’Graham Bruce) et quatre standards.

Le premier titre, That’s Matt, introduit parfaitement le groupe : chaque soliste tient un discours solide et prometteur. Le bref solo d’Artt Frank, en guise d’introduction, montre bien sa vivacité. Always Together, ballade subtile, met en valeur la sonorité feutrée du bugle de Graham Bruce. Après une courte intervention du pianiste, Frank rompt le rythme et emmène ses coéquipiers dans des rythmes proche de la bossa nova. Lisa Lea est une valse qui souligne les talents de Artt Frank aux balais. Le solo du trompettiste évolue entre douceur et fragilité et évoque la sonorité de Chet Baker (rien d’étonnant à ce que Frank l’ait choisi, étant son ami à la ville comme à la scène). Ken Barry, lui, exécute un solo aussi puissant que mélodique.
Waitin’ for Clayton porte clairement la trace bop des années 50, surtout celle des enregistrements de Chet Baker pour la firme Prestige. L’hommage à la veuve de Chet Baker, Carol Ann, est magnifiquement interprété par Graham Bruce, dont le poignant solo à la sourdine Harmon est tout empreint de la douceur du jeu de Baker. Sans doute le point d’orgue du disque.

Plus on avance dans l’écoute de ce disque, plus le talent de compositeur d’Artt Frank s’impose. Sa technique aiguisée de la batterie bop ne l’empêche pas d’accompagner ses coéquipiers avec justesse et finesse. Cet album est l’œuvre d’un groupe solide et plein de maturité. Les premières prises ont suffi pour le boucler et cette fraîcheur se fait sentir jusqu’au bout.
A noter également la sortie en novembre 2004 d’une biographie du batteur : Artt Frank’s Essentials for The Bop Drummers (Schaffner Press.)