Chronique

Christian Rollet

Calamity Roll in The Dark

Christian Rollet (dms, perc, objets)

Label / Distribution : ARFI

Homme de théâtre tout autant que musicien, figure incontournable de la musique libre dans le creuset lyonnais, fondateur de la visionnaire structure ARFI [1] qui a ouvert tant de chemins de traverse, on pourrait présenter le batteur Christian Rollet à l’aune de ce rutilant curriculum vitae. Mais il n’est pas du genre à se laisser passer l’encaustique qui fait briller les musées. Le rythmicien a encore de nombreuses choses à dire, et le couvercle de la Marmite Infernale n’a pas cessé de clapoter au gré du bouillon ; passionné de dramaturgie, disions nous ? Alors pourquoi pas une mise en scène ? Rideau ! Voici Calamity Roll in The Dark… Une histoire scénarisée pour percussions qui sonde la relation intime entre l’impact et le geste. Inutile de frapper les trois coups : l’acteur principal s’en charge. Il se peut même qu’aux commandes d’un « Wagonnet de houille », il fasse tinter quelques cloches pour signifier qu’il va descendre jusqu’au tréfonds de ses tambours et remonter toutes sortes de pierres précieuses.

Il aura fallu attendre cinquante ans pour que Christian Rollet manifeste le besoin du solo. Pourtant, chaque morceau de ce court disque brille par sa spontanéité et son goût de l’essentiel. Si l’on s’abandonne aux « Peaux de l’aube », on peut ressentir les frappes comme les silences. Toutes les vibrations de cymbale s’imposent tels des témoignages uniques. N’importe quel instant du disque est une pièce de puzzle où rien ne se chevauche ni ne se perd dans une débauche de puissance. Si le sentiment d’une préparation minutieuse décantée par le temps est omniprésent, ce n’est pas dans la musique elle-même, farouchement improvisée ; cette préparation imprègne en revanche le découpage en séquences, voire en scènes qui soulignent la cohérence du propos. On ne peut s’empêcher de songer à Günter « Baby » Sommer et ses aventures solistes. Comme l’Allemand, Rollet use de ses percussions comme d’une sorte de medium qui pourrait tout à la fois invoquer le temps qui passe, les éléments qui le transforment et l’horizon qui en découle. Ainsi le lithophone [2] construit par son ami le regretté Alain Gibert qui illumine « Autres précipitation nocturnes » est l’ultime passage de relais à une « Bourrée-Caïpirinha au petit matin ». Demain est un autre jour, et l’Auvergne Enchantée peut très bien se réveiller sous les Tropiques.

Calamity Roll in The Dark est sorti dans la collection Circuit Court du Label Arfi. C’est donc un petit tirage, extrêmement soigné, notamment grâce à la captation méticuleuse de Jean-Marc Foussat, qui renfermera ce trésor. Cela cadre bien avec la modestie du musicien, mais correspond aussi à cette volonté de ne pas perdre le goût de l’artisanat, de la rareté, du travail façonné pour les oreilles curieuses et exigeantes. C’est définitivement un disque indispensable à toutes les discothèques insatiables qui refusent de se laisser enfermer dans des esthétiques prêtes à écouter.

par Franpi Barriaux // Publié le 23 septembre 2018
P.-S. :

[1Association pour la Recherche d’un Folklore Imaginaire, on se doit encore de le préciser ?

[2instrument existant déjà à l’ère préhistorique, fait de pierres résonantes.