Daunik, jazz maverick
Entretien avec le saxophoniste Daunik Lazro, à lire sur FreeJazzBlog.
« J’aime beaucoup les coïncidences, sans savoir pourquoi. Elles renvoient à des filaments invisibles dont peut-être se tisse notre existence. »
Le saxophoniste alto, baryton et ténor Daunik Lazro affiche une discographie riche de 45 albums à ce jour, sans compter ses apparitions comme instrumentiste sur les projets d’autres artistes, avec un grand turnover de partenaires, mais aussi et surtout des fidélités sur le long terme.
- Daunik Lazro Solo Luz © Michel Laborde
Un premier album sous son nom paraît en 1980, sa première apparition sur disque remontant à 1973. L’année 2023 marque donc 50 ans d’activité scénique et discographique. Une discographie exempte de redites. Un côté secret, une paradoxale sérénité inquiète pourraient caractériser son jeu. L’insaisissable Daunik Lazro représente une voix unique dans le panorama européen. Ne voulant pas choisir entre le jazz et la musique improvisée, ses deux pôles d’attraction, il ne laisse aucun obstacle se mettre sur le chemin de sa liberté artistique. Les récents Neigen (Ayler Records) et Sonoris Causa (No Business) se distinguent par leur association inhabituelle d’instruments ainsi que les tableaux sonores qui en résultent.
Un sens de l’écoute peu commun fait de lui un artiste au service de la musique échafaudée en commun, cherchant le moment de la prise de parole juste, laissant tout ego à la porte. Déjà un geste politique. Ses titres de morceaux se font volontiers mystérieux, littéraires, avec des jeux de mots, subtiles références et hommages à de glorieux aînés.
Entre 2016 et 2018, il prend part aux tournées transatlantiques du projet The Bridge qui fomentent des rencontres entre musiciens de Chicago et français. Il y retrouve dans la Cité des vents comme dans les festivals européens son complice Joe McPhee. Deux albums live témoignent de cette aventure.
- Daunik Lazro et Joe McPhee à Chicago
« Je m’en voudrais de plaider pour la cohérence alors que, dans mon jeu, je mélange sans règles ni respect ni savoir : gammes majeures, mineures, par tons, diminuées, chromatiques, biscornues, répulsives et j’en passe. Idem pour les rythmes que je traite en flux temporels instables. Et ce ténor qui me harcèle, j’en perds la conjugaison : le traiter au plus-que-parfait (Coltrane) et/ou au passé simple (Evan Parker), faute de l’indicatif présent qui se dérobe ».
S’aventurer dans un disque ou une performance de Daunik Lazro n’est pas une expérience neutre. Il faut se rendre disponible, s’y engager entièrement le temps que dure la séance. Qui peut intimider de prime abord, tant l’inouï est la règle. Abandonnez tous repères en entrant. À la fin, c’est bien de communion qu’il s’agit, entre les musiciens, et avec l’auditoire.