Chronique

Flat Earth Society

Terms of Embarrassment

Label / Distribution : Igloo

Reprendre et surtout s’approprier du Zappa est un exercice devenu presque anodin, ce qui ne le rend pas moins périlleux. Lorsqu’en 2014, Flat Earth Society (FES) l’orchestre fanfaron des Belges Peter Vermeersch et Teun Verbruggen (Orchestra Nazionale de la Luna) ont reçu commande d’un hommage au divin moustachu, il y avait de quoi saliver. Big Band remuant de quatorze musiciens fixes, auxquels s’ajoutent ici quatre invités, la recette orgiaque de 13, leur album anniversaire pouvait très bien s’appliquer à Zappa.

« Me Standard, You Poor », composition originale de Vermeersch qui permet de découvrir la puissance grasseyante de la guitare de Mauro Pawlowski, est ainsi une sorte de transition, mi-FES, mi-Frank. Le reste est mi-figue, mi-raisin : on est impressionné par la collection d’échantillons aléatoires de « Random Riffs », piochés çà et là comme dans un cabinet de curiosités. C’est virtuose, fougueux parfois, plein d’amour et de respect. Cela démontre aussi l’efficacité de Zappa ; mais sans véritable parti-pris, l’expérience est un peu vaine. Voire un peu plaquée, loin de la douce folie qui a bâti la réputation de l’orchestre flamand.

De la même façon, les choix restent discutables, à l’instar de cette version alanguie de « Take Your Clothes Off When You Dance », volonté de crooner avec ironie, ce qui la rend souvent pesante.Chaque morceau contraint les Flamands à osciller entre les reprises orthodoxes du Bocal et l’exploration en grand orchestre d’Ed Palermo, autre exégète célèbre. La majorité de soufflants qui fonde l’identité de FES n’aurait elle pas mieux fait de faire l’impasse sur la guitare, pour mieux créer et bousculer en liberté ? Le très subtil « Ahmad & Juan », où les partitions de Zappa sont absentes, le laisse penser. Est-ce l’enregistrement en concert, très compressé, qui donne le sentiment que les six-cordes cannibalisent tout ? Est-ce une volonté de trop bien faire, de ne pas vouloir froisser ? FES, groupe de scène, assure le show, c’est indéniable. Mais on reste sur notre faim.

par Franpi Barriaux // Publié le 9 juillet 2017
P.-S. :

Pierre Vervloesem (g), Kristof Roseeuw (b), Peter Vandenberghe (cla), Teun Verbruggen (dms), Peter Vermeersch (cl, bcl), Tom Wouters (bcl, vib), Benjamin Boutreur (as), Michel Mast (ts), Bruno Vansina (bs, fl), Berlinde Deman (tu, voc), Luc Van Lieshout (tp), Bart Maris (tp), Stefaan Blancke (tb), Marc Meeuwissen (tb), Mauro Pawlowski (g, voc), Peter Verdonck (bs), Gregory van Seghbroeck (euph), Sam Vloemans (tp)