Chronique

Frédéric Loiseau

D’instant en instant

Frédéric Loiseau (g, voc), Benoît Sourisse (org, sifflet), André Charlier (dms).

Label / Distribution : Gemini

S’amusant sans doute par avance des possibles jeux de mots autour de son patronyme, Frédéric Loiseau ouvre et clôt ce nouveau disque en trio, D’instant en instant, par deux compositions aux titres en forme de clin d’œil : « Morning Bird » et « Cuicui du soir ». Cette note humoristique une fois posée, le guitariste peut prendre son envol et faire montre de la sensibilité qu’on lui connaît, celle d’un jeu héritier notamment du maître Jim Hall et caractérisé par un phrasé fluide qu’il met à l’épreuve en toute sérénité avec deux compagnons déjà présents à ses côtés en 2014 sur l’album Smile, Benoît Sourisse et André Charlier.

En douze étapes dont deux improvisations imprégnées d’une douceur proche du recueillement, les trois musiciens tournent une page émouvante de la grande histoire de jazz. Ses couleurs, souvent vespérales, dessinent un tableau musical d’inspiration résolument impressionniste. Pas étonnant d’ailleurs de la part d’un amoureux de Fauré ou Debussy, ce qu’avait démontré En sourdine, un disque en duo avec le baryton Laurent Naouri. Mais cette inclination à la contemplation n’exclut pas pour autant le swing natif du jazz : ainsi en va-t-il lorsque le trio reprend « Le duc de Charonne », qui fut le générique du Jazz Club de Claude Carrière, l’ami disparu si cher au cœur du guitariste [1], célébré ici à plusieurs reprises - car c’est bien l’animateur encyclopédiste, mais aussi pianiste, qui se cache derrière la tendre « Waltz for C ». Ou encore quand il s’agit de « Passer dans un trou de souris » ou de déjouer un « Blues And Rose » délicatement accidenté. Benoît Sourisse n’est pas venu les mains vides, offrant au trio deux compositions dont la pulsation souriante contribue à l’épanouissement d’un répertoire qui expose pudiquement ses charmes.

Cette addition d’instants partagés forme un ensemble d’une remarquable cohérence et d’une force tranquille. Signalons par ailleurs, parce que c’est important, une prise de son aux petits oignons signée André Charlier, qui permet de profiter du moindre détail, bruissement de balais inclus. On aura donc compris que la balade en compagnie de ces trois gentlemen est vivement recommandée.

par Denis Desassis // Publié le 15 mai 2022

[1Frédéric Loiseau et Claude Carrière ont joué ensemble au sein du Chamber Jazz Quintet. Un premier CD, Looking Back, est paru sous le label Black And Blue en 2010, le second, For All We Know, en 2013.