Chronique

Jean-Pascal Boffo

Invizible

Jean-Pascal Boffo (g).

Label / Distribution : Autoproduction

Jean-Pascal Boffo est un artiste discret qui ne bénéficie sans doute pas de la renommée qui pourrait être la sienne s’il n’avait choisi de se retrancher derrière une forme assumée de confidentialité. Voici plus de 30 ans que cet autodidacte éclairé met son talent de guitariste au service d’une musique qu’on aura vu évoluer au fil de douze albums (le premier, Jeux de nains, ayant vu le jour en 1986) entre rock progressif et folk acoustique. Boffo n’a jamais souhaité quitter la ville de Clouange en Moselle, là où se trouve son studio d’enregistrement, Amper, à la manœuvre duquel il opère pour les autres en tant qu’ingénieur du son, souvent du côté du rock [1]. Il y a chez lui avant tout une volonté d’être lui-même et de donner naissance en toute sérénité à la musique telle qu’il la rêve : « Les morceaux viennent à moi comme ça. Ils naissent d’un état d’esprit, d’une émotion, d’un sentiment. C’est très inconscient, impalpable. Et difficile à exprimer avec des mots » [2]. Tout cela semble prendre forme sans pression ni obligation, sous le geste d’un artisan amoureux de la mélodie et des productions raffinées.

Le douzième chapitre de cette œuvre onirique élaborée avec minutie s’intitule Invizible. Peut-être est-ce là un clin d’œil à une démarche qui se veut humble, allez savoir. Son titre fait aussi écho à celui d’une composition homonyme, conclusion de l’album Parfum d’étoiles en 2009 et qui fut le générique de l’émission Sous les étoiles exactement, animée sur France Inter par Serge Le Vaillant. Disque en solitaire (Jean-Pascal Boffo est ici seul avec sa guitare acoustique), Invizible est à sa façon une réplique de La Boîte à musique, publié dix ans plus tôt dans des conditions assez voisines. Sauf que cette fois il n’est pas question du moindre traitement sonore ni même d’un recours à de discrets effets électroniques. Et parce qu’on ne peut pas toujours être au four et au moulin, notre homme a quitté son repaire, s’est rendu du côté d’Angoulême au studio Juillaguet pour travailler avec un ami, Sébastien Tondo. Le résultat est d’une apparente (et fausse) simplicité qui, en réalité, en fait toute la force. Jean-Pascal Boffo accomplit ici l’exercice le plus délicat qui soit pour un musicien : se présenter sans fard, tout au long de douze propositions mélodiques, parmi les dix-huit initialement composées, qui très vite vous agrippent par la manche et ne vous lâchent pas de sitôt. Ballades rêveuses, ritournelles tournoyantes, danses mutines… autant d’enchantements servis par une interprétation d’une grande luminosité. Il faut en effet rappeler ici toutes les qualités d’instrumentiste de Jean-Pascal Boffo, dont la sonorité délicate va de pair avec une sensibilité poétique et une recherche du beau son. On pense parfois au travail de Steve Hackett, quand ce dernier officiait dans le groupe Genesis période Peter Gabriel. Mais la comparaison s’arrêtera là car celui qui évolue dans « Le Jardin des rêves » n’a plus besoin depuis longtemps qu’on le rattache à un quelconque courant musical.

Il y a, c’est évident, un univers Boffo, avec son langage singulier. Disque autoproduit (et diffusé à compter du 2 février 2018 chez Inouïe Distribution), Invizible en est peut-être la porte d’entrée idéale : il vient vers vous et vous accorde tout le temps nécessaire à la découverte de ses secrets. Laissez-vous séduire, l’apaisement est au rendez-vous. C’est presque un luxe de nos jours…

par Denis Desassis // Publié le 21 janvier 2018
P.-S. :

[1L’acronyme Amper signifie Association musicale pour l’expansion du rock.

[2Extrait d’une interview accordée à Sandra Crané pour l’Est Républicain.