Chronique

Joe Zawinul & The Zawinul Syndicate

Vienna Nights / Live at Joe Zawinul’s Birdland

Joe Zawinul (keys), Linley Marthe (b), Amit Chatterjee (g), Scott Henderson (g), Alegre Correa (g), Nathaniel Townsley (dms), Karim Ziad (dms), Manolo Badrena perc), Arto Tuncboyacuyan (perc), Aziz Sahmaoui (voc, perc), Sabine Kabongo (voc, perc).

Label / Distribution : BIRDJAM / BHM Productions

Sept ans après un précédent double live, Joe Zawinul présente en version longue ses dernières aventures scéniques. Le toujours fringant papy des synthés (soixante-douze ans tout de même) est loin d’avoir abdiqué, la musique ici proposée le prouve amplement.

Certes, tout est pourtant réuni pour combler les nombreux détracteurs du fondateur de Weather Report. Il y a d’abord la technique : une surabondance de claviers pas toujours tempérés, un mixage quelque peu nuisible aux voix et à une basse qu’on aimerait un poil plus devant. Et puis il y a bien sûr la musique, qui malgré de nouveaux serviteurs, ne surprend guère. Déjà des années que Joe nous fait le coup du vocoder, des tourneries endiablées aux mises en place désormais prévisibles, des mélos-duos un tantinet larmoyants, des mélanges « worldistiques » à tout va…

Oui, mais avec Zawinul, tous ces vices se retrouvent souvent transcendés, l’intelligence du bonhomme étant elle aussi sans frontières.

Intelligence de casting d’abord. La rythmique, bien qu’on regrette l’irremplaçable Paco Séry derrière les fûts du Syndicate, est magnifique. L’hallucinant Linley Marthe est bien le bassiste qui devait succéder à Etienne M’Bappé au sein du groupe. Qui, aujourd’hui, va aussi loin sur cet instrument ? Associé à Karim Ziad ou Nathaniel Townsley selon les plages, le groove sauvage et délié du Mauricien propulse le Syndicate vers des sommets de transe. L’autre attraction de la formation est sans conteste la chanteuse belge Sabine Kabongo. La voix de l’ex-Zap Mama, entre énergie tribale et timbres multicolores, est réellement captivante. Notons aussi le retour de l’excellent Scott Henderson, toujours aussi brûlant, et d’Arto Tuncboyaciyan percussionniste passionnant. Il faudrait saluer l’implication de tous les syndiqués. De l’Asie à l’Amérique du Sud, presque tous les continents sont représentés, une habitude chez Zawinul. Celui-ci sait pourtant éviter le saupoudrage, et convie cette multitude d’identités sonores à un feu d’artifice enjoué, débridé et plutôt festif.

Intelligence du répertoire enfin. Zawinul a ici dosé un subtil cocktail de titres issus de son dernier album, Faces & Places (2002), et de tubes du répertoire de Weather Report. Mais il nous gratifie aussi de quelques surprises : un superbe standard de Duke Ellington (« Come Sunday »), et quelques belles compositions de Karim Ziad, Salif Keita et Arto Tuncboyaciyan.

Un joli tout d’horizon, en somme, au plus près d’une formation qui s’exprime et respire toujours pour le mieux en « live ».

Un mot sur l’objet en lui-même. Pochette hideuse, il faut bien en convenir, strict minimum en ce qui concerne les crédits… Et puis ce titre à rallonge (trois fois « Joe Zawinul » en couverture !), on s’en serait passé. Une telle musique méritait plus de couleurs et de chaleur.