Chronique

Joëlle Léandre

Affamée

Christian Pouget (réalisation)

Christian Pouget et Antoine Traverson réalisent un acte où engagement artistique et politique ne font plus qu’un. « Affamée », co-produit par 1001 Productions et Vià Occitanie avec le soutien du CNC, laisse éclater la vitalité de Joëlle Léandre. Son œuvre « Can You Hear Me ? », issue d’une commande d’Alois Fischer [1], se prête ici à des interrogations essentielles.

La réflexion sur l’histoire de la composition au fil des siècles est particulièrement bien exposée, de même que les réflexions pertinentes sur l’improvisation, moteur indispensable à la créativité de la contrebassiste. « J’écris pour des improvisateurs », dit-elle.
Son investissement pour et avec les personnalités des musicien.ne.s de son tentet témoigne de sa vision créatrice. « Jouer avec des musiciens qui ont quelque chose à dire ». Tous les instrumentistes de la formation prennent la parole pour évoquer leur ressenti au sein de cette expérience riche d’enseignements. Christian Pouget ne tombe pas dans un hommage empreint de pathos ; au contraire, sa caméra sait se faire oublier lors des répétitions musicales et laisse libre cours à la spontanéité qui préside à la construction de l’œuvre.

C’est un fourmillement d’idées généreuses que Joëlle Léandre partage face au réalisateur. Sa grande expérience de la musique contemporaine aboutit constamment à un amour du jazz et à ses interprètes qu’elle considère comme ses égaux pour la composition et la pratique instrumentale. Le dédain à l’égard de certains instruments comme le sien n’est pas étranger à une révolte enfouie au plus profond de la musicienne. Là aussi les musiques séculaires sont visées : « On écrivait pour des instruments nobles ». C’est bien une réhabilitation de la contrebasse qui se joue ici.
L’aspect humain demeure primordial avec en toile de fond les souffrances physiques consécutives à un accident marquant qu’a vécu Joëlle Léandre.

Ce film, dont les plans de tournage valorisent les musicien.ne.s, témoigne d’une sincérité bouleversante. Laissons le mot de la fin à Joëlle Léandre : « On est comme des funambules quand on improvise ».